On n’y croyait plus, et c’est un peu comme au cinéma, un heureux dénouement. La réouverture de Metropolis qui avait été prévue en été, puis reportée, aura finalement lieu ce 21 décembre. L’Association repart donc, contre vents et marées pour une nouvelle vie. C’est en face du Port de Beyrouth, à Mar Mikhael, dans un terrain alloué par la société Unifoncière, qu’a été construit le nouveau local ; un grand hangar métallique rouge et blanc avec une enseigne lumineuse, qui sera désormais le refuge ou l’antre des amoureux du 7e art. Cette structure contemporaine avec son espace extérieur voué aux projections en plein air est à l’image du genre de Cinéma que Metropolis a toujours su promouvoir, à savoir indépendant, éclectique et résolument culturel.

Mais pour que le projet puisse enfin ainsi voir le jour, il aura fallu toute la ténacité et la ferveur de ses fondateurs, ainsi que la générosité de ses mécènes, et ils sont nombreux ceux qui ont décidé de s’y investir, car depuis 2019, les embûches qui se sont mises en travers du pays tout entier en auraient découragé plus d’un. Cela fait aujourd’hui plus de 4 ans que les cinémas étaient en berne au Liban, et si l’expérience de la salle obscure nous a manqué, ce n’est pas tant les blockbusters des salles commerciales, mais la programmation choisie à laquelle nous a habitués Métropolis depuis sa création en 2006. Hania Mroué, cofondatrice de l’Association, nous fait le tour des lieux et nous en parle à quelques jours de l’inauguration.

« En janvier 2020, quelques temps après la révolution d’Octobre 2019 et la pandémie de 2020, le cinéma Sofil a décidé de fermer ses portes et nous nous sommes retrouvés à la rue, contraints d’opérer pendant quelques temps en mode Nomade ». Elle nous fait découvrir, à l’entrée, la Cinémathèque, véritable puits d’images qui relate à sa manière l’histoire du Liban et de son cinéma. Archives, affiches de films, livres, revues spécialisées, et un catalogue de près de 2000 films libanais, dont 300 sont déjà numérisés et peuvent être visionnés par les intéressés. La Cinémathèque est le fruit d’un long travail d’haleine et de recherche entrepris à partir de 2018 dans le but de rassembler et diffuser tous les films du Cinéma libanais. On découvre ensuite les deux salles flambantes neuves, la grande avec ses 200 fauteuils bleus, et la petite avec 100 fauteuils rouges, lesquels ont été légués par une une ancienne salle de cinéma en Italie. « Par manque de moyen, nous avons dû bricoler et concevoir une structure légère et amovible, tout en privilégiant la technique et le matériel des projections. C’est à Sophie Khayat que nous devons l’architecture du lieu. Le brief était très simple, il nous fallait un abri, un peu comme une tente, de manière à favoriser la convivialité des projections ».

Rappelons pour mémoire, que Métropolis est né en 2006 d’un désir de promouvoir le cinéma indépendant au Liban et de le mettre à la portée d’un vaste public. La première projection a eu lieu en juillet 2006, au deuxième sous- sol du théâtre Al Madina, devenu ensuite Metro Madina, mais la guerre éclate aussitôt et le théâtre sert alors de juillet à aout, de refuge à des familles de déplacés, et pour maintenir les enfants occupés, on leur projette des films, créant ainsi un engouement inattendu auprès d’un jeune public. « C’est ça qui nous a donné envie de développer notre projet jeune public « Tous au cinéma », en partenariat avec l’Institut Français et une soixantaine d’établissements scolaires, car c’est de là que peut germer l’idée de se tourner plus tard vers les métiers du cinéma ». La demande grandissante, l’Association se déplace ensuite au centre Sofil à Achrafieh, et exploite de 2008 à 2020 les deux salles du circuit Empire.

L’Association réussit à travers ces années-là le pari extrêmement louable d’aiguiser et de combler l’appétit cinématographique d’un public de plus en plus large et exigeant, avec ses nombreux festivals (Film Européen, semaine de la Critique, Écrans du Réel…), ses rétrospectives, ses cycles spéciaux et autres programmations. « En parallèle, nous avons lancé deux autres projets : Les Ateliers de Formation aux métiers du cinéma, workshops spécialisés que nous menions en collaboration avec les festivals de Berlin et de Locarno, et en 2018, la création de la Cinémathèque, pour archiver et diffuser le cinéma libanais ».

Le nouvel espace permet donc d’allouer une place de choix à ces archives-là, et rend possible leur consultation, à des fins professionnelles ou créatives.

« A la fermeture des salles de Sofil, il a fallu qu’on décide de voler de nos propres ailes, ce qui n’était pas facile, vu le coût que cela suppose de construire des salles qui nous soient propres, et avec les circonstances qui ont suivi depuis 2020, c’était devenu presque irréalisable, mais on a tenu bon ». 

Métropolis est bien donc reparti pour une nouvelle aventure, avec une programmation qui va déjà jusqu’au mois de juin.