Cinemania de Montréal : Le meilleur des films francophones… et plus spécialement les films made in France
La 30ème édition du festival du film francophone organisé par Cinemania à chaque automne a rendu cette année un hommage spécial à la production cinématographique française et notamment à ses monuments historiques.
En présence d’invités de renoms, réalisateurs, producteurs et acteurs dont Francis Dubosc (« Un ours dans le Jura »), Romain Duris (« Une part manquante »), Béatrice Dalle, toute l’équipe de « M. Aznavour » : Grand Corps malade, Mehdi Idir, Tahar Rahim (phénoménal dans le rôle du Grand Charles ), la programmation a proposé un grand cru de conférences, d’expositions, d’immersions dans la réalité virtuelle, mais surtout la projection de dizaines de longs et courts métrages, des Premières mondiales, des films sélectionnés dans les plus grands festivals du cinéma... De quoi ravir tous les amoureux du grand écran francophone.
Nombreux films et documentaires français (dont le très beau « St Exupéry »), quatre œuvres du nouveau cinéma corse, compétitions diverses et autant de prix décernés. Le prix du jury est revenu à « L’histoire de Souleymane », de Boris Lojkine. Un film intense suite auquel le jeune réalisateur a expliqué sa démarche pour montrer à travers sa fiction, basée sur une histoire vraie, l’humanité meurtrie des immigrés clandestins qui débarquent en Europe.
Les monuments historiques de France ont occupé une place intéressante dans cet hommage à l’écran français. En partenariat avec le CNM, Centre des Monuments nationaux, une exposition urbaine a mis l’accent sur quelques grands lieux emblématiques choisis par les cinéastes ainsi que la projection de quatre films tournés dans des sites prestigieux de l’hexagone dont « Olympe une femme dans la révolution » de et avec Julie Gayet qui, lors d’une rencontre avec le public, a raconté son intérêt pour les histoires de héroïnes françaises inconnues, celles de la Révolution et de l’émancipation des femmes notamment, qu’elle et son coéquipier Mathieu Busson tentent de porter à l’écran.
Une conférence intitulée « Les monuments nationaux : coulisses de tournage, impacts et opportunités » a livré certains détails croustillants de l’exploitation de la richesse patrimoniale française. Car outre sa mission de préservation, de mise en valeur, de restauration et d’ouverture au public de plus de 100 monuments historiques, le CNM gère les demandes de tournage des cinéastes dans ces lieux emblématiques choisis comme décors de films.
Ainsi, on apprend que 200 lieux de tournage et prises de vue en France se répartissent en abbayes, cloîtres et cathédrales, forteresses et châteaux médiévaux, châteaux classiques et hôtels particuliers, parcs et jardins, mais aussi en sites singuliers qui résonnent chez les spectateurs partout dans le monde : Arc de Triomphe, Panthéon, l’Élysée… Autant d’emplacements qui accueillent de célèbres œuvres. Au Palmarès de ces productions, Netflix notamment les séries « Lupin », « Emily in Paris », « Murder Mystery », « Franklin », « The Diplomat », « The Wasp », mais aussi Paramount « Daryl Dixon », Pathé « Notre Dame brûle », Canal + « Marie Antoinette »… pour ne citer que quelques titres.
À ne pas négliger non plus, l’attrait pour les jeunes publicitaires de ces endroits exceptionnels : utiliser tel ou tel escalier pour tel parfum, la vue du toit de l’Arc de triomphe, l’Élysée, les dunes de la cité de Carcassonne, la montée vers St-Michel, etc.
Parmi les monuments les plus prisés, le Palais royal où a été tourné « La princesse de Montpensier », film projeté au festival, était initialement la demeure de Richelieu, devenue symbole du pouvoir royal, siège actuel du Conseil d’État et de l’Académie française. En plein cœur de Paris. Il jouit d’une grandeur architecturale qui symbolise la postérité et la réussite qu’on retrouve dans « Illusions perdues », « Une vie meilleure », « La Maison », « Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-sec », etc. Les tours, remparts, fossés, pont-levis qui incarnent le château médiéval sont idéaux pour les récits d’époque et films épiques : Château de Bussy Rabutin, Château de Pierrefonds Les scènes du Moyen-âge auraient la faveur du Palais Jacques Cœur à Bourges où ont étaient tournés Les trois mousquetaires, Les visiteurs 2, Jeanne d’Arc. « La reine Margot » (projeté également au festival) a profité du Château de Maison Lafitte pour témoigner de la puissance de l’aristocratie sous l’Ancien régime.
Grand favori des productions cinématographiques pour les scènes de cour, le Château de Champ sur Marne où a été tourné « Jeanne du Barry » (de Maïwen) la sulfureuse favorite de Louis XV (jouée par MaÏwen elle-même, au palmarès de Cinemania). Classé patrimoine national depuis 1935, ce bijou de l’architecture classique française, avec son parc à la française dessiné par le Nôtre, ces intérieurs somptueux, a la capacité d’incarner la grandeur des palais royaux, notamment en doublure du château de Versailles qui n’est accessible qu’un jour par semaine soit le matin ou la nuit.
À propos de l’accessibilité de ces sites, la cheffe de département domanial à la direction du développement économique du CMN, Marina Santelli, précise qu’avant d’obtenir le privilège de tourner dans ces sites extraordinaires, beaucoup de conditions au départ sont imposées. Les producteurs sont toujours accompagnés sur les lieux et doivent signer un cahier de charges précisant ce qui est permis et ce qui ne l’est pas : plages horaires strictement réservées, éléments de décor dont on ne peut s’approcher, contraintes d’éclairage (les flashs ne peuvent toucher les œuvres et tableaux) ... Tout est fragile car il faut préserver l’état des lieux qu’on doit retrouver identiques après le tournage. L’accès très contrôlé et les contraintes justifiées interdisent par exemple les flammes même dans les scènes à l’extérieur. On ne peut déroger à l’âme et l’histoire du lieu qu’il faut sauvegarder. On ne peut pas servir des hamburgers par exemple dans les jardins d’un château. On ne peut pas créer des aberrations, comme cuire un cochon à la broche au Château de Chambord (comme c’était prévu dans un documentaire). Sans « castrer l’élan créatif », le CMN veille à préserver le lieu dans le temps.
« La France raconte son Histoire dans les films ».
L’occupation du domaine public pour des productions historiques ou même des films contemporains a pour but de capturer l’élégance de la haute société française mais a aussi un impact économique sur le voisinage, les logements, la restauration, mais aussi sur la vie autour qui continue pendant et après. « Amélie Poulain » qui raconte l’imaginaire populaire a suscité l’engouement des tours opérateurs qui se sont emparés du film pour exploiter les scènes à Montmartre, etc. (Pour la petite histoire, l’épicier dans le film aurait fait fortune depuis.) La présence des acteurs dans un petit château par exemple occasionne beaucoup d’activités dans la région, à moins que les producteurs n’exigent un blackout total pour éviter les photos volées et publiées avant la diffusion du film.
Enfin si le tournage dans ces lieux exceptionnels renforce la qualité du film pour le spectateur friand de voir des lieux célèbres, le cinéma contribue aux ressources d’entretien et de restauration de ces bâtiments.
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