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« M. Aznavour » en première à Montréal et maintenant à Beyrouth

06/01/2025|Gisèle Kayata Eid

Effervescence à Montréal, Aznavour est en ville… ou tout presque. Sur les ondes on entend Grand Corps Malade (GCM) qui interprète les tubes de son nouvel album : « À chacun sa bohème ». Dans la salle, au festival Cinemania, le public se presse, se tasse. 2h15 plus tard, il applaudit à tout rompre l’équipe dont les réalisateurs Fabien Marsaud (alias GCM) et Mehdi Idir, Tahar Rahim qui incarne Aznavour et Jean Rachid, le gendre d’Aznavour, à l’origine du projet… Sa sœur Aïda est même assise incognito parmi les spectateurs, ravie de cet immense biopic dévoilant un pauvre fils d’immigrants arméniens qui combat sa « petite taille » et sa « voix voilée » pour s’acharner au travail avant de devenir cette icône de la chanson française, poète et amoureux des mots et dont les tubes ne se démodent toujours pas.

 

« C’est un très long métrage qu’Aznavour a souhaité voir tourner après avoir eu la chance de visionner « Passion » avant de décéder, précise GCM. Il ne s’agit plus du regard de Charles sur sa passion de filmer ». (Certains auraient peut-être visionné à la Salle Montaigne ou à la télévision, le film-reportage de 72 minutes sur Charles Aznavour à partir de dizaines de bobines filmées par lui-même, qui témoigne de sa passion à filmer et qui retracent tous les évènements de sa vie qu’il a fixés sur pellicule, avec une bande sonore issue d’enregistrement originaux captés entre les années 1950 et 2018, avec la voix de Romain Duris qui commente le film). Il a donc accepté que soit réalisé un grand film sur lui. Mais il avait un désir : le faire sur les années avant son succès planétaire.  Pour lui, après, cela ne servirait à rien. On a donc commencé ensemble ce biopic qui s’est fait tout naturellement, avant qu’il ne nous quitte ».

 

« Pourquoi MONSIEUR Aznavour ? GCM explique avec un sourire parce que c’est ce dont on se souviendra en pensant à ce grand artiste » dont la réalisation phénoménale a reproduit très fidèlement la vie : « Tout est strictement véridique. Rien n’a été inventé. On a peut-être mixé quelques scènes parce qu’on avait beaucoup de matières, sinon le film aurait été excessivement long.  Nous avons fait beaucoup de recherches pour déterminer comment enlacer une histoire aussi riche, aussi longue. On a consulté beaucoup de livres, écoutés des histoires de Aida sur son petit frère, dépouillé des archives personnelles, des lettres et bien sûr visionner ses propres films. Tout a été vu à la loupe, avant de trier pour limiter le film à une époque importante. Soit avant 1969. Il parlait de Pierre Roche, d’Édith Piaf, de ses parents… On avait quelques repères sur lesquels on a démarré.  En 2017 il était encore là. Lui-même voulait voir comment il avait atteint son objectif.  Voir d’où il est venu et voilà où il en était. »

 

Jean Rachid, un des producteurs et le gendre d’Aznavour raconte : « Je l’ai accompagné en Arménie. C’était fou. Les gens ont beaucoup de respect pour lui. Il y a une fondation gérée par son fils Nicolas, un musée Aznavour qui ouvre l’année prochaine à Yerevan ». 

 

Sur le podium, caché sous un bonnet noir, le superhéros de cet aboutissement, Tahar Rahim, presque timide et réservé sur son accomplissement avoue : « Ces trois personnes (GCM, Idir et Rachid, ndrl) ont vu quelque chose en moi que je n’ai pas vu. J’ai accepté le challenge. C’était ma plus belle expérience. » Car M. Aznavour c’est lui et il se rappelle : « C’était très troublant de regarder Charles à la suite d’un de ses concerts. Je l’ai salué. Mais je n’ai pas voulu rester plus longtemps. Voir cet homme sur scène avait été un moment très fort. Il avait une grande simplicité. Il mettait une petite armure, mais il était très accessible. Comment aborder le rôle après ? Ce n’était plus une interprétation, mais bien une incarnation. J’avais le chant et le piano à travailler. Je m’y suis attelé 6 à 8h par semaine pendant 6 mois. Je ne suis pas chanteur, à part trois expériences musicales dans les films. Mais je voulais chanter par respect. S’attaquer à un monstre pareil c’était quelque chose. »

 

GCM précise : « On espérait qu’il chante à l’image et au son, et on avait prévu un sosie vocal, mais Tahar faisait bien et progressait. Dès le premier jour et la première scène dans les graves, il avait trouvé la voix. Il parlait et chantait. Il a continué à prendre des cours de chant. À la fin du tournage, on a dû tourner à nouveau pour refaire la voix, le voile, le vibrato, la tessiture, tant il a tout dépassé de ce qu’on pouvait imaginer. »  (Rappelons ici que les extraits des chansons qui passent dans le film sont des reprises des disques d’Aznavour, mais quand on le voit sur scène, c’est l’acteur Tahar Rahim qui chante lui-même… Et c’est assez phénoménal). Il avait aussi à interpréter les émotions de l’homme et de l’artiste, la dualité entre sa grande sensibilité, la nostalgie et sa pugnacité de devoir arriver. Il devait jouer les différentes facettes de Charles, sa part d’ombre. Cela a exigé d’étudier les archives, les mimiques, jusqu’au geste de son coude. Rencontrer sa femmes Ulla, sa fille, sa sœur Aïda. Tahar en a fait un personnage humain. »

 

Et l’acteur d’ajouter : « J’ai consulté un psy qui a travaillé sur le script. J’en avais besoin. Aznavour n’était pas un personnage fictif. Il avait comme une malédiction et son superpouvoir d’écriture n’était pas une bouée de sauvetage, mais de survie. Il ne voulait pas s’éteindre. Il ne pouvait pas être heureux en dehors de la scène.  J’avais besoin de rencontrer les gens qui le connaissaient. Et comme l’explique GCM : « Il fallait récupérer les attaques et les obstacles pour les transformer en forces. Dépouiller les archives du génocide arménien pour comprendre l’instinct de survie qu’on décèle dès le premier flash d’ouverture. »

 

À propos des origines d’Aznavour, Mehdi Idir précise : « Nous avons eu recours à deux archivistes, des photos et des films sur l’exode arménien trouvés à Stockholm. Nous avons obtenu des images qu’on n’avait jamais vues avant. Le film s’ouvre sur des gens qui font la fête.  Des gens qui sont passé par çà. On en voit encore aujourd’hui de ces génocides. Aznavour est un pont entre le passé et le présent. C’est l’exemple qui montre comment un petit immigré est devenu un des plus grands de la chanson française. On entend la voix du décès de millions de personnes dans la voix du grand représentant de la chanson française. »

 

En plus d’être un fan d’Aznavour ce serait peut-être une raison suffisante pour visionner le film.

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