''La Musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée''. Platon
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La mort véritable est dans l’oubli. Effacer la mémoire est le plus grand préjudice que l’on puisse porter à l’avenir. Sans histoire, nous sommes réduits à des électrons libres à la merci de forces contraires. Bâtir sur du vide n’est pas porteur par définition. Alors, malgré les guerres, l’oppression, les exodes, la politique de la terre brûlée, gardons au fond de notre cœur, dans les replis de nos souvenirs, des lieux, des images, des mélodies que personne ne peut atteindre et détruire, un ancrage fort, une source profonde et intarissable, d’où pourront rejaillir tous les possibles.
Panorama de nos artistes locaux, suite…
Assi et Mansour ont un jeune frère Elias. Né à Antelias en 1938, atteint lui aussi du virus de la musique, il fait des études au Conservatoire libanais sous la direction des musiciens français Michel Bourgeau et Bertrand Robillard. Il compose des comptines dont la célèbre « Kellon eendon siyarat ». Petit à petit, il devient une des personnalités de la pop libanaise, pionnier de la musique alternative et underground au Liban. Il introduit des tendances musicales internationales contemporaines tout en composant des chansons pour les plus grandes stars de la musique libanaise dont Fairuz, Sabah, Wadih el Safi, Samira Toufic, Melhem Barakat, Majida el Roumi.
Elias Rahbani composera des bandes originales pour plus de 20 films égyptiens et libanais, écrira les thèmes de séries libanaises populaires comme Allo Hayete et Diala. Il est le premier dans le monde arabe à écrire des musiques pour les publicités radio et télévisées. Assemblant guitares électriques, synthétiseurs, basse électrique et batterie avec des instruments orientaux tels que le nay, le oud et la tabla, il crée un son unique et nouveau : la pop arabe psychédélique.
Les frères Rahbani ont une nombreuse descendance, tous musiciens et compositeurs. Ziad, le fils de Assi et Fairuz dont l’œuvre, au caractère prémonitoire raconte, sans ambages, la société libanaise, Marwan, Ghadi et Oussama, les enfants de Mansour, Ghassan et Jad, fils d’Elias. Tous poursuivent l’œuvre musicale de leurs parents et sont présents autant dans le paysage musical libanais que régional.
Elle n’est plus à présenter, ni au Liban, ni à l’international. Sa voix a transporté, enchanté, ému des générations entières.
Nouhad Haddad est née en novembre 1935 à Zokak el Blat. En 1947, Mohamad Fleifil, subjugué par sa voix, l’engage dans sa chorale et la présente à Halim el Roumi, directeur de Radio Orient. Halim el Roumi la surnomme Fairuz, du nom d’une chanteuse alépine trop tôt disparue. Elle intègre la chorale de Radio-Orient et est présentée aux frères Rahbani en 1951. Cette rencontre sera déterminante pour la jeune femme qui deviendra une des plus célèbres chanteuses du monde arabe, au même titre que Oum Koulthoum. Dotée d’une voix alliant puissance, velouté et tendresse, elle incarnera à merveille un nouveau style musical spécifique au Liban, empreint d’Orient et d’Occident, de musique sacrée et traditionnelle, le style Rahbani.
Elle épouse Assi Rahbani en 1954. Le festival de Baalbeck la fait découvrir au grand public en 1957, dans une opérette qui sera la première d’une série d’autres « Irs el Jabal ». Fairuz y tient le rôle de la mariée.
Baalbeck et Fairuz deviendront indissociables dans les esprits au point que la chanteuse est désignée comme « la 7eme colonne du temple de jupiter » ou comme « l’étoile de Baalbeck ».
Fairuz chante les plus grands poètes du monde arabe : Nizar Kabbani, Ahmad Chawki, Gibran Khalil Gebran, Saïd Akl, Ounsi El Hajj, Al Akhtal al Saghir, Elia Abou Madi…Les meilleurs compositeurs de son temps comme Mouhamad Abdel Wahab, Sayyed Darwich, Philémon Wehbé, se bousculent pour lui offrir leurs mélodies. Elle dédie ses chansons à Bagdad, Jérusalem, Damas, la Tunisie pour le plus grand bonheur des populations locales qui la portent aux nues. Elle se produit partout, dans les capitales arabes mais aussi en France, en Grande Bretagne, aux USA2, au Brésil, en Argentine. Elle s’essaie au cinéma : Safar Barlek et Biyaa el Khawatem dirigée par Youssef Chahine ainsi que Bint el Haress dirigée par Henry Barakat. Son talent est récompensé par diverses distinctions. Sur scène, quand elle chante, elle est immobile, ses épaules tressautent un peu, elle hausse légèrement les sourcils, c’est tout.
Outre le cinéma et le théatre, Fairuz fut la vedette de nombreuses émissions à la télévision et de sketches avec Philémon Wehbé.
Cependant, en 1979, et au grand dam des nombreux admirateurs du trio Assi Rahbani, Mansour Rahbani et Fairuz, leur collaboration artistique s’arrête. Le mariage avec Assi aussi. Une page se tourne pour Fairuz.
La guerre, la situation chaotique du pays depuis 1975 mettent un frein aux concerts de la diva. Ils ne reprendront qu’en 1994. Entretemps, elle continue d’enregistrer des albums sur les compositions de son fils Ziad. Les textes de ce dernier et ses thématiques sont osés, teintés d’un humour noir. La musique est empreinte de jazz. Le public, habitué au style des frères Rahbani et à leurs textes romantiques aura du mal à s’adapter. Mais, avec le temps, le charme opère. En 1987, l’album Maarefti Feek sort. Combinaison de la superbe voix de Fairuz et des orchestrations jazzy et funk de Ziad Rahbani, l’album s’impose comme une référence dans le domaine du funk arabe.
Ensemble, Fairuz et Ziad feront de nouvelles adaptations des chansons culte des frères Rahbani et donneront des concerts à Baalbeck, Beit Eddine, Beyrouth, Damas, Sharjah, Amman et Amsterdam.
En 2017, Fairuz sort un album intitulé Bebalee dans lequel elle reprend les grands standards de la musique : My way, Besame mucho, Don’t cry for me Argentina, Imagine etc.
Fairuz a été et restera pour les Libanais, une icône, l’incarnation d’un certain Liban empreint de beauté et d’espoir. Elle trône au panthéon des divas arabes aux côtés d’Oum Koulthoum, Asmahan, Warda el Jazaïria et d’autres voix intemporelles.
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