Le 20 avril à 21h à la Grand Factory de Beyrouth, Fred Nevché réinvente Lou Reed dans “The unreal story of Lou Reed”, l’incarnation en spectacle de son album éponyme, publié en 2021. Une vaste exploration de la vie du rocker, mêlant la musique électronique et synthétique de French79 à la plume poétique de Fred Nevché. L’Agenda Culturel a rencontré le compositeur-poète, qui veut renverser notre regard sur les célébrités et porter à travers elles un regard critique de la société.
Vous êtes poète, chanteur et compositeur. D’où vous vient ce goût pour la poésie ? Quelles ont été vos influences ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu faire de la poésie. Je crois que c’est d’abord lié à mes origines et la situation familiale dans laquelle j’ai grandi. Mon père est espagnol, ma mère arménienne. J’ai vécu dans ce croisement, ce mélange de culture, bercé par ces récits de là-bas, de l’ailleurs. Il y avait beaucoup de langues étrangères à la maison, et depuis je vis le langage comme une expérience de l’exil. C’est cette intuition qui guide mon travail poétique : ce qui m’intéresse dans le français c’est sa part étrangère, sa part d’étrangeté. Et la poésie vous donne justement cette liberté de décortiquer, de décomposer la langue et de la remodeler à votre guise.
Votre spectacle “The unreal story of Lou Reed” poursuit votre exploration des icônes de la pop culture, après Marilyn Monroe et Kurt Cobain. Quelle est votre intention derrière ces célébrités ?
Il s’agit d’abord pour moi d’analyser la société à travers ces figures. Leurs histoires nous en disent long sur la façon dont la société les a traités, mettent à jour beaucoup de violence, mais témoignent aussi de leurs forces. Parler de ces icônes dans leur simplicité, leur intimité et leur singularité interroge notre tendance à la starification, qui finit par ne retenir d’elles que des caricatures de ce qu’elles sont et ignore leur humanité. J’essaie de réhabiliter ces grands noms en exposant au public des facettes moins connues de leur personnalité. Pour Monroe et Cobain, l’idée m’est venue de les faire monter ensemble sur scène à la lecture de leurs journaux intimes respectifs, dans lesquels je retrouvais beaucoup de similitudes, jusqu’à des phrases semblables parfois. Alors je les ai fait discuter sur scène comme s’ils étaient amis.
Ces artistes ont-ils été aussi des sources d’inspiration pour vous ?
C’est le cas pour Marilyn Monroe et Kurt Cobain, mais pas pour Lou Reed. Lui, je le tenais un peu à distance. Et quand je m’y suis penché, j’ai découvert quelqu’un d’extraordinaire, avec qui j’ai beaucoup de points communs. On n’a pas retenu de Lou Reed sa grande sensibilité, son amour pour la littérature, sa grande ambition pour le Rock'n'Roll. Il voulait donner au rock son âge adulte, ses lettres d’or par la poésie. Alors pour ce spectacle j’ai réinventé l’histoire de Lou Reed, pour d’une certaine manière me rapprocher du vrai. C’est comme un grand film, j’y mêle musique et projections : on y découvre la première soirée où il se met à chanter, son admiration pour Delmore Schwartz qu’il considérait comme son maître littéraire. C’est surprenant de constater que des célébrités adulaient des personnages méconnus. Cela leur donne un visage plus humain, en quelque sorte.
C’est votre premier passage à Beyrouth, quelles sont vos impressions ?
C'est extraordinaire ! Vous savez, pour ma poésie, je puise une grande partie de mon inspiration de l’architecture, de mes promenades et de l'observation des gens. Ici, je suis stimulé sans cesse, il y a tant à voir ! Et en même temps, j’en ressens beaucoup de souffrances. Beaucoup de contrastes aussi, c’est une ville qui semble aller à mille à l’heure, mais fait preuve d’une lenteur hors du commun. Me produire à Beyrouth, c’est aussi une magnifique opportunité, j’y trouve des similitudes avec mon travail. Déjà pour son atmosphère, son côté underground, littéraire et électro. Ensuite parce que je jouerai à la Factory, à l’instar de Lou Reed qui a joué ses premiers concerts dans la Factory d’Andy Warhol.
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