Aujourd’hui, rencontre avec la chanteuse Paola Ibrahim, alias Pól, dont le dernier morceau, « Ken Helme », trouve un certain écho auprès du public libanais, y compris par-delà les frontières.
Paola a grandi avec la musique avant de décider d’en vivre. « Ça a été la crise à la maison ! J’ai quitté mon métier en marketing pour vivre de ma passion ». Dès 2009, celle qu’on appelle désormais Pól commence à se produire sur les scènes beyrouthines, d’abord au MusicHall. Les dates s’enchaînent pour l’artiste, mais Pól, qui se limite jusque-là aux covers, se sent à l’étroit. C’est en 2017, lors d’un séjour aux États-Unis, qu’elle se met à composer sa propre musique. À son retour, elle ouvre son école de musique, « Beirut vocal studio », puis sort son premier EP de manière indépendante, suivi d’un second. Elle travaille aujourd’hui sur son premier album, dont fera partie « Ken Helme ».
« Ken Helme » parle du tiraillement entre l’envie de rester au Liban et la possibilité de partir pour l’étranger, comme beaucoup de jeunes en ont fait le choix. Comment as-tu vécu ce dilemme et comment t’a-t-il inspiré en tant qu’artiste ?
« Ken Helme » est né aux États-Unis. Mon entourage, famille et amis, tentaient de me convaincre de m’y installer. Mais face à la perspective de partir à l’étranger pour de bon, j’ai réalisé que je voulais faire ma vie au Liban. Il y a une idée assez répandue, notamment parmi les musiciens, selon laquelle rester au Liban est synonyme de manque d’ambition, presque de lâcheté en refusant de sortir de sa zone de confort. Je pense au contraire que ce qui est confortable, c’est de partir ! De fuir loin de l’instabilité, de la guerre. Bien sûr, partir rend les choses difficiles au début, le temps de tout recommencer ailleurs, mais rester n’est pas un choix moins courageux ou ambitieux. Aujourd’hui, je suis heureuse de chanter « I found my dream in Lebanon ». Ce que j’ai cherché, je l’ai trouvé : une stabilité personnelle, au-delà de toute forme de stabilité financière. C’est un choix que j’ai fait, et je vais faire tout mon possible pour qu’il me sourit.
« Ken Helme » est ta première chanson en arabe. Est-ce un hasard ? Va-t-elle t’en inspirer d’autres ?
Cette chanson m’est venue naturellement en arabe, alors que je n’avais jusque-là composé qu’en anglais. J’ai enregistré les premières notes, écrit les premières paroles puis je n’y ai plus touché pendant un an. Quand je suis rentrée à Beyrouth, je me suis tournée vers mes amis, Tala El Kadi, pour l’écriture des paroles, et Ramzi Khalaf, pour la production musicale, puis d’autres encore avec lesquels j’ai réalisé le clip de la chanson.
Il était naturel d’écrire en arabe, ma langue maternelle, ma langue sentimentale. Je pense aussi que les évènements au Moyen-Orient, en Palestine, en Syrie, m’ont fait me sentir encore plus attachée à mes racines, à mon pays. Chanter en arabe est une manière de les célébrer. De toutes mes chansons, « Ken Helme » est d’ailleurs celle qui a trouvé le plus d’écho. J’ai reçu beaucoup de messages de Libanais vivant à l’étranger qui ont été profondément touchés en l’écoutant. « J’aurais aimé ne pas quitter le Liban » m’a-t-on écrit.
De quelle manière Beyrouth, le Liban, t’inspirent-ils ?
L’explosion du 4 août 2020 a marqué un tournant dans ma musique. Jusque-là, mes chansons étaient pour beaucoup le reflet de mes histoires amoureuses, de mes ruptures. Depuis, j’ai commencé à écrire à propos d’enjeux sociaux et proprement libanais. J’ai par exemple composé « Beauty on the Horizon » sur Beyrouth, ma muse : « Here I wanna be, here I want to disappear ». Je ne peux pas rester insensible aux évènements qui se déroulent au Liban, ils influencent ma musique. Au moins, nous vivons dans un pays qui inspire, « out of pain » !
Et enfin, as-tu « trouvé l’amour dans ton pays », ainsi qu’espéré dans « Ken Helme » ?
Oui, je l’ai trouvé !
A savoir
www.pól.com
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