Naji Hakim à la console de l’orgue de l’Elbphilharmonie de Hambourg ! Un rêve devenu réalité il y a quelques jours, alors que, déjà par deux fois, ce concert historique avait été reporté pour cause de pandémie. L’instrument est par lui-même un mastodonte. Il mesure environ 15x15 mètres, pèse 25 tonnes et comprend 4765 tuyaux, ayant nécessité plus de 25000 heures de travail par 45 facteurs d’orgue de la célèbre entreprise Klais. Pour ce monument, il ne fallait rien moins qu’un musicien exceptionnel « l’organise français de classe mondiale » comme le présente la brochure du concert. Mais enfin, il est libanais aussi et nous en sommes si fiers !
Au programme un bel échantillon du catalogue de Naji Hakim, chef de file du dialogue musical des cultures, bâtisseur de ponts entre l’Orient et l’Occident et notamment entre la musique de son pays natal et la musique classique européenne. Le programme est construit en forme d’hommage au pays d’origine du compositeur, le Liban mais aussi au Moyen-Orient de façon plus générale ainsi qu’à sa patrie d’adoption, la France.
Le concert s’ouvre avec l’Ouverture libanaise, œuvre basée sur des airs folkloriques où Naji Hakim utilise des éléments caractéristiques de la musique orientale (gammes, rythmes…) en les restituant dans une remarquable orchestration tout ce qu’il y a de plus occidental. D’ailleurs cette pièce, qui se conclut sur une citation de l’hymne national libanais, existe également dans une version pour grand orchestre. Vient ensuite
Sinbad, fantaisie sur des chansons folkloriques omanaises. Là aussi, le compositeur utilise des mélodies traditionnelles authentiques qu’il a entendues et notées lors de sa visite à l’opéra de Mascate en Oman. L’œuvre dresse le portrait du légendaire marin Sinbad dont les aventures sont racontées dans les Contes des mille et une nuits. Avec les
Esquisses persanes, le compositeur complète son incursion moyen-orientale. L’œuvre, en deux parties, est basée sur la gamme persane. Le premier mouvement, Niya Yesh, symbolise le chemin du salut et de la connaissance divine par la connaissance de soi. Il se présente sous forme de mélodies mélismatiques en constante expansion. Le deuxième mouvement, Raqs, est en revanche une danse joyeuse.
Le concert se poursuit avec la Suite française en douze mouvements. Cette œuvre, déclaration d’amour du compositeur à sa famille et à son pays d’adoption, rend hommage à ce que l’on appelle « le grand siècle » français (la période qui couvre le règne de Louis XIV) . Elle fait référence à des danses et des thèmes musicaux typiques de cette époque. Puis c’est Villancico Aragones, œuvre inspirée d’une expérience inoubliable pour Naji Hakim : la semaine sainte dans la ville de Saragosse. « L’un des tournants les plus importants de ma vie en tant que Catholique et en tant que musicien ». Les musiques qui accompagnent les processions du chemin de croix étourdissent le compositeur qui les considère « comme un miracle ». L’œuvre est basée sur les mélodies telles que Naji Hakim les a ressenties et intériorisées dans ce moment intensément spirituel et musical de sa vie.
Le concert se conclut par les Trois danses basques qui sont un hommage aux origines de l’épouse de Naji Hakim, Marie-Bernadette Dufourcet, elle-même grande organiste et musicologue. Si ce concert, déjà extraordinaire en soi, a revêtu pour Naji Hakim une telle importance, c’est qu’il a eu lieu au moment du décès de son père, Sobhi Hakim. Et c’est en dédiant à son père tout juste disparu cet intense moment musical et spirituel, que le compositeur a pu transcender la douleur lancinante de la perte d’un être si cher.
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