Au moment où la plupart des concerts s'arrêtent, pourquoi avez-vous décidé de poursuivre l'activité de Liban Jazz ?
Je le vis comme une mission. A travers les concerts que nous organisons, Liban Jazz défend des valeurs auxquelles je crois fermement. Pendant ces – presque - 20 années d'existence, à chaque fois qu'il était plus raisonnable d'arrêter, je n'ai pu m'y résoudre. En 2006, Liban Jazz a réalisé "Concert en Blanc" au Théâtre du Rond-Point à Paris, le plus grand concert de son histoire. Le soir du concert, dans les coulisses, une journaliste a demandé à Archie Shepp (le parrain de Liban Jazz) pourquoi il participait au concert. J'entends encore sa réponse : "I could have been anywhere else but it's a choice, I have chosen to be here, to support a friend and the people of a country that suffers". C'est un choix. Je le vis plus comme une identité à défendre que des concerts à produire. Et puis j'ai bien peur de ne pas savoir faire autre chose... Aujourd'hui, faire la révolution, c'est aussi maintenir son activité, payer ses salaires, résister parce qu'au fond, on espère que des jours meilleurs viendront. C'est peu de choses et à la fois c'est essentiel. Liban Jazz est soutenu et sans la collaboration de nos partenaires, en particulier cette fois-ci de l'Institut Culturel Italien, nos concerts ne seraient pas.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face ?
Financières évidemment. Mais pas que...
Bien sûr c'est compliqué de payer nos artistes et d'autres frais majeurs liés aux concerts à l'étranger (en euros ou dollars) et encaisser des billetteries au Liban (et en livres libanaises). On s'organise pour ça, et tant qu'on y arrive on le fera. Côtés artistes : le désir de jouer au Liban est toujours là et il faut dire aussi que l'information concernant la crise libanaise est tellement peu / mal relayée à l'étranger que beaucoup ne savent pas ce qu’il se passe chez nous.
Les difficultés principales pour moi sont de choisir le bon moment pour faire le concert et choisir le bon concert à faire! Avec Paolo Fresu "plays Chet Baker", j'ai trouvé le bon équilibre entre solennel et fête. Un concert teinté de nostalgie et une histoire à raconter. Ça m'a semblé correspondre au moment.
Y a-t-il une occasion particulière pour rendre hommage à Chet Baker ?
Pas vraiment. A part la sortie de l'album "Tempo di Chet" de ce trompettiste extraordinaire qu'est Paolo Fresu. Avec son trio, il a su recréer une atmosphère, revisiter plus que reprendre les thèmes de Chet. J'ai été séduit à la première écoute par le son, la musicalité, la pureté avec laquelle Paolo Fresu interprète le Chet (si unique)!
Et puis dans des moments comme ceux que nous vivons, on a envie et besoin de compter et de retrouver nos amis. Paolo Fresu est un ami de Liban Jazz et il aime le Liban de tout cœur. On a vécu de beaux moments ici ensemble. Cela m'a semblé naturel de faire appel à lui, d'avoir envie de le revoir et de l'écouter surtout.
Quels sont vos projets pour le futur ?
Liban Jazz continuera tant que j'en aurais la possibilité et la force. On s'adaptera tant qu'on nous laissera faire ce que nous aimons. Le Liban m'a tellement donné. Je lui dois de ne pas abandonner et de faire face. Nous sommes nombreux (sur la scène culturelle) à chercher et trouver des solutions pour ne pas laisser tomber. On y arrive. Les activités culturelles doivent vivre, et nous devons résister pour ne pas nous perdre dans cet océan de questions sans réponses que nous traversons.
On prévoit d'autres concerts qui promettent de grands moments de musique. Tant qu'on nous laisse faire, on est là... Au jour le jour. Pour l'heure, c'est Paolo Fresu qui joue Chet Baker, le 25 février au MusicHall.
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