Voyage au cœur de Jean-Sebastien Bach avec les Musicales de Baabdath
22/10/2022|Zeina Saleh Kayali
C’est un voyage mémorable qu’a offert le jeune pianiste autrichien Aaron Pilsan à une église Saint Joseph des pères jésuites pleine à craquer et médusée, dans le cadre des Musicales de Baabdath, sous le patronage de l’ambassade d’Autriche au Liban.
Jouer l’intégralité du Livre 1 du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach d’une seule traite (1h50 de musique !) est une gageure, un exploit, une « expérience » comme le dit Sleiman Corbani, président du festival. Aaron Pilsan, sans ostentation et avec une limpidité remarquable, s’est lancé dans ce défi avec un naturel confondant.
Deux décennies séparent les deux livres du Clavier bien tempéré (1722 et 1744), l’un des monuments majeurs, toutes époques confondues, de la musique occidentale. L’objectif en est triple: musical, didactique et théorique. L’organisation est identique : un prélude suivi d’une fugue dans chacun des 12 demi-tons de la gamme chromatique. L’écriture en est complexe et polyphonique, le niveau technique extrêmement exigeant.
La technique, justement, parlons-en ! Insoupçonnable sous les doigts d’Aaron Pilsan. Tout semble aller de soi, sans contrainte, y compris la prouesse de jouer sans partition.
Grâce à cet extraordinaire jeune pianiste, ce n’est pas seulement la science de la composition et l’art du contrepoint de Bach qui se révèlent à nous. Les préludes et fugues deviennent autant de leçons de rhétorique et tous les sentiments exprimés par le pianiste sont fidèlement traduits par le grand Bechstein prêté pour l’occasion par le Conservatoire national. Ainsi, le Bach du Clavier bien tempéré se dévoile à nous sous des jours fort contrastés : martial, tendre, espiègle, méditatif, enflammé, insouciant ou sage.
Evidemment Aaron Pilsan s’inspire du caractère de chaque pièce pour sculpter la matière sonore. Fugues dans le stilo antico, préludes en forme de mouvement perpétuel, de sonate en trio ou à la manière d’une pastorale, sont mis en lumière par un parler clair, une discrète articulation et un cantabile confondant de beauté. A la fin du récital, le public reste muet pendant près de 15 secondes avant de se déchaîner et d’ovationner l’artiste. Une manière de remercier Aaron Pilsan pour ce voyage mémorable au cœur d’un monument musical d’une grande humanité.
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