Je me rappelle d’Yvette chez Janine. Je la voyais souvent et j’avais toujours beaucoup de plaisir à rester avec elles. Leurs discussions, leurs blagues, et commentaires sur telle ou telle exposition et surtout leur désir profond de liberté, qu’on devinait à travers leurs conversations. Janine m’appelait lors des expositions d’Yvette pour participer à l’accrochage et faire le suivi des clients. C’était parmi les expositions que je préférais le plus, j’arrivais à établir un dialogue avec les œuvres qui dégageaient beaucoup d’émotion.
Depuis toujours, les œuvres d’Yvette m’ont beaucoup touchée. J’ai assisté une fois à une altercation très forte entre Janine et Zaven Hampartzounian, le deuxième mari d’Yvette - il semblait sévère. Janine ne se laissait pas faire, et Yvette sous des apparences fragiles, avait du caractère et ne se laissait pas faire non plus… Mais tout se terminait par des accolades.
Yvette aimait rire, écouter des histoires, et avait surtout le sens de l’humour. Une anecdote me revient : pour aller de Sanayeh, où elle habitait, à l’ALBA, où elle enseignait, elle avait attaché un panneau indiquant l’adresse où elle devait se rendre sur un bâton qu’elle soulevait à l’approche du taxi, étant petite de taille et pour que le chauffeur puisse la voir.
À la mort de Janine, Yvette m’a tout de suite fait confiance et nous avons organisé notre première exposition en 1996. C’était un délice d’exposer les œuvres d’Yvette et de partager ces émotions avec elle..
Comme elle travaillait lentement parce que perfectionniste, elle déchirait ses toiles plusieurs fois avant de recommencer et de les finaliser. C’est pourquoi qu’à sa deuxième exposition en 2004, il n’y avait que neuf toiles. Je lui disais que même s’il n’y aurait
que 3 toiles je les exposerai, tellement elles étaient puissantes et expressives...
En 2009, avec François Sargologo, le dialogue entre mère-fils était bouleversant.
Yvette est une des premières femmes artistes libanaises, et le sceau qu’elle laisse est unique et de grande qualité. C’est une artiste, une vraie. Rien n’était laissé au hasard ou à la fantaisie.
Yvette, tu es partie comme tu as vécu, légère, digne, réservée, sur la pointe des pieds, pour ne déranger personne.
Nadine Begdache
Mai 2024
ARTICLES SIMILAIRES
“Where do I go?” : photographier l’hérédité de la destruction
Briac Saint Loubert Bié
18/04/2025
Peindre, transmettre, résister : Histoires de femmes à la galerie Gezairi
Mathilde Lamy de la Chapelle
17/04/2025
Embodied Realities : le corps comme force créatrice et puissance réparatrice
Briac Saint Loubert Bié
15/04/2025
Mounira Al-Solh réincarne le mythe dans notre temporalité
Briac Saint Loubert Bié
14/04/2025
« Mais fichez-nous la paix » à l’Institut français
Mathilde Lamy de la Chapelle
09/04/2025
Randa Ali Ahmad nous invite à interroger nos propres liens à l’espace et au temps
07/04/2025
Déstabiliser le regard et explorer les croyances ancestrales avec Ramzi Mallat
Mathilde Lamy de la Chapelle
03/04/2025
Art Paris 2025
03/04/2025
"Un cèdre du Liban est tombé" : Shafic Abboud, à travers les yeux de Claude Lemand
Léa Samara
27/03/2025
« Baobab: The tree of life » ou le récit d’une contemplation
Mathilde Lamy de la Chapelle
27/03/2025