Dans le terme Laboratoire il y a tout ce qui relève de l’expérimentation, de l’inattendu, de l’exploration, et c’est bien cela la mission que s’est donnée la plateforme vivante Beirut Physical Lab, qui depuis sa création a été un espace interactif, stimulant, créatif et accessible permettant de générer de nombreuses activités autour de la danse contemporaine et des arts du spectacle au Liban. La venue au Liban ce mois-ci de Silvia Gribaudi et son quatuor désopilant avec le spectacle GRACES qui sera présenté au théâtre Madina le mardi 9 juillet, vient confirmer ce fait.
Mais d’abord deux mots sur Beirut Physical Lab et ses fondateurs Bassam Abou Diab et Andrea Fahed tous deux danseurs de formation. Venus d’un background oriental ; la Dabké pour Bassam et la danse orientale pour Andréa, ils se sont retrouvés dans la danse contemporaine qui offre des voies multiples à la créativité artistique en intégrant des techniques et des genres divers. Bassam s’est formé en tant que danseur et chorégraphe au sein de la troupe Maqamat de Omar Rajeh, et c’est dans l’idée de continuer à hisser la danse contemporaine au Liban par la création d’opportunités et de rencontres qu’il a fondé BPL en 2021, rejoint un peu plus tard par Andrea. C’est donc dans un pays en pleine tourmente et débâcle qu’ils ont créé cette communauté pour lutter contre le sentiment de la perte de soi face à l’inertie du chaos. Une sorte de survie par le mouvement et par la danse qui fait parler le corps face à l’inaboutissement des autres formes d’expression. Comme son nom l’indique c’est un espace expérimental doté d’une structure à la fois souple et solide. Souple, parce qu’il ne se limite pas à un seul genre d’expression corporelle mais à tout ce qui peut faire du corps un outil d’expression théâtral ou narratif. Les ateliers de formation accueillent aussi bien des gens de la danse que du théâtre. Solide, parce qu’avec les workshops qu’ils prodiguent en invitant des danseurs et des troupes de différentes cultures, BPL entend nourrir la future génération de danseurs et de performeurs, d’élever la danse au rang d’Art, et d’en faire un moyen de liberté contre toute forme d’obscurantisme. Solide aussi et surtout par le degré d’exigence que la pratique de la danse nécessite.
Giovanni Chiarot Zeroidee
Les collaborations régulières que BPL accueille ont toutes été reçues avec un très grand enthousiasme de la part des danseurs et des performeurs libanais qui en ont profité pour développer leurs talents et acquérir des expériences variées en s’exposant à des visions toujours nouvelles de chorégraphes étrangers ou locaux et des manières d’appréhender la danse et les arts vivants sans barrière de langue, de culture ou d’appartenance. Un enrichissement dans les deux sens. Ces « laboratoires » ne sont pas basés sur l’apprentissage purement technique ou esthétique de la danse, mais davantage sur l’exploration humaine et le sens du mouvement. BLP a ainsi reçu plus de 30 chorégraphes étrangers, créé 9 performances, 3 spectacles vivants et accueilli plus de 400 danseurs libanais et du monde arabe. Son audience s’élève déjà à plus de 2500 spectateurs.
C’est donc dans le cadre de ces « Dance Lab » qui sont des sessions de formation intensives que BPL et l’Institut Culturel Italien invitent cette année la chorégraphe italienne Silvia Gribaudi. Le workshop, ouvert à la fois aux danseurs professionnels et aux amateurs aura lieu de manière intensive (5 heures de cours) tous les jours du 8 au 13 juillet. Cette formation se clôturera le 13 juillet par un « Public Sharing », une représentation créée sur mesure par la chorégraphe et ses élèves, où les danseurs auront l’occasion de montrer leur travail à un public. C’est une manière d’expérimenter le regard des autres sur soi, d’explorer les sensations de la scène et de s’affranchir du jugement. Le workhshop propose aussi des cours en matinée pour ceux qui souhaitent en faire partie sans participer à la représentation finale.
Riccardo Panozzo
Et c’est le 9 juillet au théâtre Madina que Silvia Gribaudi et les 3 danseurs hommes qui l’accompagnent présenteront le spectacle GRACES. C’est fort de son succès que ce spectacle devenu célèbre dans le monde de la danse contemporaine débarque au Liban. Cette création de 2019 a déjà fait le tour des festivals européens avec un succès retentissant. Hors du commun, ludique, malicieux il chamboule les règles de l’esthétique de manière entièrement libre et décomplexée qui interroge et séduit à la fois. Silvia Gribaudi est une chorégraphe et performeuse italienne. Bien en chair et enveloppée, elle a choisi d’assumer complètement ses rondeurs et de les mettre sous la lumière plutôt que de les cacher. Et c’est parce qu’elle ne répond pas à l’image qu’on attend d’une danseuse professionnelle qu’elle peut avec espièglerie et intelligence choisir l’autodérision pour s’affranchir des canons esthétiques et montrer que la technique libère le corps de tout dictat social. C’est d’ailleurs autour de cette liberté là que son travail s’articule et elle y accède par l’humour et le rire. C’est donc en maillot de bain et en chaussettes qu’elle et ses trois compagnons masculins dévêtus eux aussi s’engagent dans une pièce à la fois drôle, chaleureuse et extrêmement savoureuse. Le spectacle est inspiré des Trois Grâces, une sculpture de Canova qui montre les filles de Zeus aux formes parfaites. Silvia Gribaudi prend le contre-pied de cette œuvre, avec une succession de tableaux les uns plus désopilants que les autres. Et si avec ses rondeurs Silvia Gribaudi était la définition même de la légèreté ? En tout cas, la grâce, elle l’a.
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Matteo Maffesanti
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