Mise en scène par Ji Chen et jouée par Johanna Khalaf deux jours de la semaine en français (mercredi et jeudi) et trois jours en arabe (vendredi, samedi et dimanche), la fameuse nouvelle de Stefen Zweig ; « vingt-quatre heures dans la vie d’une femme », trouve une résonnance nouvelle et originale sur les planches intimes de la petite salle du théâtre Monnot.
Mettre en scène le récit de l’intime n’est pas une chose facile. Les nouvelles de Stefen Zweig, que ce soit « La confusion des sentiments », « La peur », Le voyage dans le passé », « Lettre d’une inconnue » ou « Le joueur d’échec » explorent toutes les tourments du cœur et de l’âme et se présentent sous la forme d’un récit enchâssé, c’est à dire une histoire racontée par le biais d’un narrateur. Cette manière de laisser parler le refoulé, influence qui lui vient de son amitié avec Freud, nous introduit dans l’alcôve de l’intime comme dans le cabinet d’un psychanalyste. Il en est de même pour « Vingt-quatre heure de la vie d’une femme », cette sombre nouvelle de 1924, lue par des milliers de lecteur et adaptée des centaines de fois au théâtre et qui raconte l’histoire d’une femme, veuve bourgeoise dont la vie va être chamboulée par la rencontre d’un jeune homme dévoré par le démon du jeu, et qui va se perdre en tentant de le sauver.
Avec une scénographie originale, un jeu d’ombres et de lumières et un retro projecteur qui permet de faire de gros plans sur les mains de l’actrice dans un joli passage qui les fait danser comme des ombres chinoises et illustre comment les mains ne trompent pas, et qu’elles sont le miroir du caractère du joueur. « On découvre tout d'une personne à ses mains, à la manière qu'elles ont d'attendre, de saisir et de s'arrêter : le cupide à ses mains griffues, le prodigue à ses mains souples, le calculateur à ses mains calmes, le désespéré à son poignet tremblant ; ....”, Ji Chen et Johanna Khalaf utilisent l’espace scénique de manière inventive, ce qui donne de la vie au récit. La toile rayée de fond qui évoque la côte d’Azur, la table en feutre vert, les bottines d’époque et le sautoir, la coupe au carré de l’actrice, tout cela évoque le voyage dans le temps tout en donnant une forme de modernité stylisée.
L’actrice nous introduit dans la confession de son récit par une sorte de complicité et des traits d’humour qui ont pour but d’amuser et de distraire. Une volonté sans doute de casser avec le sérieux du drame qui va être raconté. L’actrice se veut ainsi un peu désincarnée de son histoire comme si elle était à la fois la narratrice et le personnage. Il résulte de cette intention de mise en scène, une certaine légèreté qui contraste avec le récit pur et sa douleur. Le jeu de Johana Khalaf, parfaitement maitrisé devient ainsi interactif avec le public auquel elle s’adresse naturellement dans son seul en scène qui prend parfois des tournures de stand up. Franco- Libanaise, elle a elle- même traduit le texte en arabe, proposant ainsi deux ressentis différents de la pièce.
Ici l’actrice est la narratrice de sa propre histoire, et nous les spectateurs sommes les confidents. Par ses interactions, elle s’adresse à eux, joue parmi eux. En allégeant le côté désespéré de l’histoire par son humour, elle se présente à la fin comme femme affranchie qui nous dit aller mieux. Il n’en demeure pas moins qu’elle garde toute la force du récit de Zweig et du conflit intérieur qui anime cette femme qui se veut à la fois la mère, l’amante et la sauveuse. « Ceux qui tombent entrainent souvent dans leur chute ceux qui se portent à leur secours ».
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