Georges Melhem signera son ouvrage « Brotherland » les 3 et 4 juin prochain. Écrit il y a déjà plus de 20 ans, le livre, d'une actualité toujours brûlante, a été profondément remanié et publié à nouveau. Brotherland est la biographie fictive du duo Ameer et Amir, nouveaux-nés jumeaux recueillis sur un champ de bataille par (respectivement) une famille palestinienne et une famille israélienne. Rencontre avec l’auteur.
Quelles sont les principales inspirations derrière l'histoire de « Brotherland » et avez-vous des expériences personnelles ou des récits familiaux qui ont influencé son écriture ?
En filigrane bien sûr, notre vécu de guerre civile au Liban, ainsi que notre relation intime avec la violence, la mort et l’horreur qui y font loi. La première intifada, sur fond d’autres guerres régionales et locales, avait pour ceci de particulier : les Palestiniens se battaient chez eux, sous forme d’insurrection civile. Direction : accord d’Oslo, avec l’aval d’une grande partie de la population Israélienne. Puis les extrémistes des deux côtés, de connivence quasi certaine, prennent le relai, durant la seconde intifada, et l’horreur gagne. Le déclic ? la mort en direct sur France 2 de Mohamad el-Durrah, 12 ans, alors que son père essayait de faire bouclier de son propre corps. La seule chose que je pouvais faire ? Ecrire… pour moi d’abord. Mais je n’ai pas arrêté, et Brotherland en est le résultat. Ce n’était plus pour moi, mais pour tout le monde. Pour déconstruire ce narratif de la terreur à outrance.
Comment avez-vous développé les personnages pour refléter la complexité du conflit israélo-palestinien ?
Tarek et Rima d’un côté, Ely et Sarah d’un autre, représentent un couple, un foyer type de leur société respective, évoluant à travers les années. Les Palestiniens en fuite permanente, menant une vie de misère, d’humiliation et de sacrifices. Les israéliens se battent pour imposer leur état par la force, dans une région hostile, vivant dans la hantise permanente de voir les Abed el Nasser et consort mettre leurs menaces à exécution : les jeter à la mer.... Brotherland accompagne ces deux couples, ainsi que nos deux jumeaux, à travers les 40 années de conflit, de 1948 à 1989… date de la première intifada. Celle qui a « failli » finir en solution de paix…
Les deux jumeaux murissent dans leurs milieux respectifs et se durcissent avec les années, sombrant dans l’horreur de la violence contre « l’autre », participants aux combats, (avec plus d’un « face à face » manqué) avant de finir par s’assagir avec les années, et de se ranger du côté « paix » … leurs fils respectifs, têtes brulées et reflets d’eux-mêmes à leur âge, seront le déclencheur de la rencontre.
Le roman se termine sur l’image-message que j’essaie de promulguer. Il y aura une suite, le conflit étant malheureusement en cours, qui mettra en exergue l’influence néfaste des extrémistes sur la nature même du conflit, et leur intérêt vital à le perpétuer.
Quels sont les messages principaux que vous souhaitez transmettre à travers « Brotherland », et comment espérez-vous que le livre contribuera à la compréhension et à la réconciliation entre les différentes parties du conflit ?
Chacun des deux jumeaux aurait pu être à la place de l’autre. On vit dans un monde où le hasard de naissance (que l’imbroglio de l’histoire représente) justifie une haine et une violence envers « l’autre », cet autre, cet alter ego humain qui aurait donc pu être « nous » … Ce conflit a assez duré, assez causé de tort, misère, mort et souffrance. De plus, il représente le centre de gravité idéologique de tous les mouvements extrémistes de la région, et même au-delà… Brotherland vise à ridiculiser la guerre dans un but précis. La Paix. La Paix des justes. La Paix des braves.
Comment avez-vous abordé la représentation des différentes cultures et perspectives dans le film ?
Le film est le but ultime de ce projet. Par amour du cinéma, d’abord, et de par la capacité de l’écran, grand ou petit, à démocratiser et disséminer le message. Le scenario en général, et les représentations culturelles en particulier, sont donc une image-reflet presque parfaite du roman. Dans les deux cas donc, j’ai essayé de traduire l’environnement culturel des deux parties avec autant d’exactitude que possible, sans pour autant noyer le lecteur dans le détail parasitaire. Les us et coutumes telles que relatés dans le roman évoluent donc avec les codes et valeurs contemporains à chaque période du roman.
Le scénario est prêt, en attente de preneur qui partage la même perspective, afin de transposer Brotherland du 5ème au 7ème art. Cette conversion est presque exacte, le visuel étant bien sûr « dicté » dans le film, contrairement au roman.
Quel impact espérez-vous que « Brotherland » aura sur le discours public concernant le conflit israélo-palestinien, notamment à la lumière des événements du 7 octobre ?
Je dirais plutôt aux « ténèbres des évènements du 7 octobre. » Le 7 octobre était, à mon avis, une tentative de la part des extrémistes de deux cotés d’enterrer le processus de paix. Je suis persuadé, d’ailleurs cela transparait dans la presse par moment, que le processus de paix avec l’Arabie Saoudite avait pour précondition l’établissement d’un état Palestinien, et arriver à une situation de paix, chose inacceptable pour les extrémistes des deux côtés. Ils y perdraient leur raison d’être. Il revient donc à toute personne ayant la capacité d’altérer le narratif de le remettre dans le bon chemin. Celui, de la Paix. Juste et équitable. Pour un sujet épineux comme celui-ci, on commence par établir une base fondamentale, une référence absolue pour résoudre les contentieux : celles des valeurs humaines.
A savoir
Signature le 3 juin de 17h00 à 21h00 l Yasmine Bldg, 33rd St. Rabieh
Signature le 4 juin de 17h00 à 21h00 l Paul Brasserie, Saifi, Beirut
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