À l’Atelier Maher Attar, Mirna Maalouf fusionne des éléments de la pop culture avec l'acrylique dans son exposition « Les Oubliés », présentée du 8 au 18 mai. L’artiste libanaise y explore des thèmes profonds de nostalgie et de mémoire envers des époques révolues. Rencontre avec Mirna.
Lors de ma rencontre avec l’artiste pour une visite guidée privative, dès l’entrée de l’Atelier, j'ai été accueillie par des personnages tels que le Joker ou Dark Vador. Cet accueil singulier et amusant illustre l'approche ludique de Mirna Maalouf dans son exposition, toujours dans le but de faire passer des messages. Elle trouve qu'il est plus facile de dénoncer en souriant. Pour elle, Dark Vador représente l’explosion du port, avec en arrière-plan des calligraphies arabes multipliées du mot « qui ». « C’est la question qu’on se pose depuis l’explosion et dont nous n’avons toujours pas de réponse » explique Mirna. De même, le Joker est habillé d’un costume fait de Livres Libanaises, dénonçant ainsi l’inflation qui sévit depuis plusieurs années sur la monnaie libanaise. Goldorak, quant à lui, se trouve en face.
WHO DID THIS? #2, 2024, 75 x 73 cm, Mixed media on canvas
Mirna réussit à créer ce réalisme sur ses toiles grâce à une fusion unique entre la photographie qu’elle transfère sur la toile et un travail minutieux de grattage, accompagné de peinture notamment d’acrylique. « Mes mains sont vraiment abîmées à la fin de chaque tableau » confie l’artiste, témoignant du travail ardu d’expérimentation qu'elle a mis du temps à perfectionner pour cette exposition, préparée pendant deux ans.
« Cette exposition vous invite à contempler les thèmes de la nostalgie, de l'obsolescence et du pouvoir durable de la mémoire dans un monde en constante évolution ». Muriel Asmar, commissaire de l’exposition « Les Oubliés »
Dans la pièce principale de l’Atelier, une série de toiles représentant d’anciennes maisons délaissées est exposée. Mirna explore ces lieux abandonnés, prenant des photos qu’elle intègre selon le même processus fusionnant photo et peinture. Le grattage lui permet de donner un aspect d’usure et désuet, créant ainsi une ambiance nostalgique et mélancolique. « J’aime visiter ces maisons abandonnées. Le silence y est total, presque oppressant. J’adore imaginer la vie des gens y ayant vécu. Je suis très nostalgique d’un monde passé que je n’ai même pas connu. Dans ces endroits, la beauté y est triste », explique Mirna. Les « Oubliés » désignent alors ces maisons délaissées qui relient le passé au présent, offrant aux spectateurs une découverte de ces lieux chargés d’histoire. Pour donner vie à ses tableaux, Mirna intègre des insectes en acrylique tels que des fourmis, des araignées ou encore des termites, qui prennent possession de ces lieux abandonnés, symbolisant la nature reprenant ses droits et donnant (enfin) vie à ces maisons délaissées.
LES OUBLIÉS #2, 2024,135 x 99 cm, Acrylic on transferred photo
En pénétrant dans la dernière pièce de l’Atelier, l’ambiance change radicalement, donnant l’impression de débarquer en plein milieu d’un dessin animé. Mirna Maalouf revisite des personnages de la pop culture sur ses toiles. Par exemple, l’affiche de « La Cage aux Folles » (1978), côtoie la Panthère rose vêtue de l’iconique robe noire portée par Mireille Darc dans « le Grand Blond » (1972). L’artiste ré imagine également la couverture célèbre des Beatles en remplaçant les chanteurs par des personnages des Looney Tunes, qui évoluent tous évolue dans une rue de Beyrouth où la ligne de démarcation y est visible, souvenir de la guerre civile.
Ce travail artistique reflète un amusement certain, chaque détail ayant son importance et transmettant un message spécifique de la part de l’artiste. Mirna explique que chaque toile raconte des histoires qui s’entremêlent. Il lui arrive également d’intégrer dans certaines toiles des phrases précises à l’humour piquant telles que « Ceci n’est pas un scarabée », ajoutant ainsi une dimension satirique à son œuvre.
BEY ROAD, 2023, 71 x 98 cm, Mixed media
« Les Oubliés » combine des références de la culture pop amusante avec des thèmes poignants pour mettre en lumière les tragédies politiques, économiques et sociales au Liban. Cette exposition est dédiée à toutes ces vies touchées par ces réalités. Pour parvenir à un tel résultat saisissant, Mirna a entrepris de nombreuses explorations, utilisant différents médiums et une technique unique qui témoigne de son talent artistique. À travers cette approche, l'artiste libanaise réussit à transmettre des messages profonds qui incitent à une réflexion bien au-delà des portes de l'Atelier Maher Attar.
Pour en savoir plus, cliquez ici
Le credit: ©️ 2024 Maher Attar. Tous droits réservés
ARTICLES SIMILAIRES
« Intangible », un témoignage socio-politique immersif à la galerie Tanit
Nora Lebbos
17/12/2024
Rida Abdallah à la Villa Empain: "Mon travail est une sorte d'exorcisme"'
10/12/2024
Des Paysages Émotionnels à la galerie Marie Jose à Londres
10/12/2024
Une artiste au cœur du chaos
04/12/2024
Charbel Matta autour du bleu
Zeina Saleh Kayali
01/12/2024
David Daoud, confessions d’un artiste du Sud du Liban
28/11/2024
WAC.art, la nouvelle plateforme pour collectionneurs et artistes
Nora Lebbos
27/11/2024
Coqlico invite les artistes libanais à peindre le célèbre “Finjan Libanais”
21/11/2024
Le chemin d’Alida Torbay
21/11/2024
Mohamad Abdouni : quête de toi, de nous, de soi
Marie Tomb
13/11/2024