À travers des mélodies qui allient habilement l'Orient et l'Occident, Tania Kassis s’est imposée comme une figure emblématique de la scène musicale libanaise. Son parcours, riche en rencontres et en découvertes artistiques, est le reflet d'une quête incessante de fusion entre les genres et les époques. De ses débuts timides à sa reconnaissance internationale, elle nous ouvre les portes de son univers musical où tradition et modernité se rejoignent avec élégance et passion. Dans cet entretien, Tania Kassis nous dévoile les moments forts de sa carrière, ses sources d'inspiration, et ses projets futurs ambitieux.

Un rêve d’enfance devenu réalité

Dès son plus jeune âge, Tania Kassis rêvait de devenir une chanteuse pop. Ce rêve était teinté d’une grande timidité qu’elle a réussi à surmonter grâce à la musique. « La chanson a été un moyen de m’exprimer librement, sans timidité », confie-t-elle. Influencée par des icônes telles que Céline Dion, Michael Jackson, et Madonna, elle s’immerge dans le piano et l’opéra, croyant à l’époque que la voie du chant passait obligatoirement par le classique.

Sa formation commence au Conservatoire du Liban, où elle travaille les techniques vocales avant de s’envoler pour le Conservatoire de Paris. Là, un professeur décèle en elle un talent de « show girl » et l’encourage à explorer les comédies musicales américaines. Cette révélation marque un tournant dans sa carrière, combinant un background classique et une passion pour la scène. « La chanson comme carrière et comme vocation a toujours été une évidence pour moi », explique-t-elle, affirmant qu’elle n’a jamais envisagé une autre voie.

Des inspirations variées et une quête de fusion

Tania Kassis puise son inspiration dans les « classiques arabes » tels que Fayrouz, Wadih El Safi ou Sabah ; sa définition de « classique » allant au-delà de l’opéra ou des chants religieux. Elle embrasse un patrimoine musical riche qui, bien que n’étant plus contemporain, a marqué plusieurs générations. « Je suis une amoureuse de la fusion », déclare-t-elle, expliquant aimer mélanger les genres et moderniser les sons en changeant le corps des arrangements, sans se limiter à reprendre des chansons occidentales en arabe.

La chanteuse a beaucoup travaillé avec des orchestres et continue d’adapter ses formations en fonction des tendances actuelles. « Maintenant, les temps changent, les sons changent aussi », dit-elle, soulignant sa volonté de rester pertinente tout en honorant ses racines. Sa musique est un mélange complexe et harmonieux de comédies musicales américaines et de chansons arabes, témoignant de sa capacité à chanter en dialecte libanais, en égyptien, et même en fusha.

Zaman : Une odyssée musicale et personnelle

Le projet « Zaman » est l'aboutissement de son album éponyme, présenté au Casino de Beyrouth en 2023. Conçu avec Tony Karam, ce spectacle scénique rassemble un orchestre de 35 musiciens, des acteurs, des chanteurs, et un narrateur. « Zaman » explore les multiples facettes de la vie, des défis aux moments de bonheur. Cette production, exclusivement en arabe, a renforcé son lien avec ses racines. « C’était la musique et les émotions qui prévalaient », souligne-t-elle. Ce projet marque un avant et un après dans sa carrière, symbolisant un moment charnière de maturité artistique et personnelle. « Zaman » représente non seulement une évolution de sa carrière musicale, mais aussi un approfondissement de sa relation avec la chanson arabe, atteignant un public plus large, même parmi ceux qui ne parlent pas couramment l’arabe.

Une artiste engagée au service du dialogue et de la résilience

Tania Kassis se positionne comme une artiste engagée, à la fois socialement et patriotiquement. Ses chansons, accessibles et éducatives, sont utilisées dans les écoles (sans que cela ait été forcément prémédité), témoignant de leur impact international. « J’ai toujours voulu transmettre de façon très simple ce que je ressentais », affirme-t-elle, reflétant sa volonté de connecter avec le public.

Elle aborde des thèmes variés tels que la résilience des femmes, les épreuves de la vie, et le dialogue entre les cultures et les religions. Pour Tania, il est crucial de ne pas imposer une vision unique de ses chansons, laissant au public la liberté de les interpréter. « Une chanson est un voyage, un film. Vous faites votre propre diagnostic de la fin, qui n’est pas nécessairement celle à laquelle on s’attend », explique-t-elle.

Des ambitions ancrées dans l'intuition et l'innovation

Tania Kassis n’a pas de stratégie préétablie pour l’avenir. Elle préfère suivre son intuition, même si cela ne correspond pas toujours aux tendances actuelles. Par exemple, son « Ave Maria » islamo-chrétien a vu le jour à une époque où le dialogue interreligieux n’était pas au premier plan.

Parallèlement, elle souhaite continuer à développer son école de musique au Liban et à Dubaï, mettant en lumière le pouvoir thérapeutique de la musique. « Je crois sincèrement que tout le monde peut chanter », déclare-t-elle, prônant une approche inclusive et bienveillante. Pour elle, chanter est un automatisme et un cadeau précieux dès que l’on apprend à utiliser sa voix, et cela nuance l’idée que seul le talent inné peut garantir le succès.

À travers son parcours, Tania Kassis incarne une artiste complète, à la fois chanteuse, actrice, et adepte du storytelling. Son engagement et sa passion pour la musique tendent à une expérience unique et émotionnelle à chaque performance, à chaque concert. Elle est une ambassadrice culturelle qui fusionne l’ancien et le moderne, l’oriental et l’occidental, pour créer une musique pleine de sincérité.