Le Moyen-Orient traverse à nouveau une période de turbulences marquée par la destruction, les déplacements forcés et le désarroi. Bien que l'impératif moral de protéger nos créations et notre héritage soit évident, l'humanité cède souvent à la tentation de commettre des actes abominables, oubliant sa capacité à réaliser des œuvres magnifiques. Cette réalité reflète le dilemme inhérent à la liberté humaine, capable à la fois de grandes réalisations et de terribles maux.

Malgré la crise actuelle et les tentatives de certains d'effacer notre passé, nous restons fermement déterminés à préserver notre patrimoine. Conscients de notre devoir envers notre terre, nous honorons et assumons notre héritage historique. Cette responsabilité consiste à protéger un précieux témoignage de l'influence des générations passées sur notre histoire.

Le terrorisme culturel, visant à effacer nos racines, souligne l'importance de reconnaître notre identité plurielle. Renier cette spécificité revient à renier l'essence de toute identité. La mémoire humaine, enrichie par la diversité des connaissances et de la créativité, est une richesse partagée qui concerne l'humanité tout entière et notre planète. Nous bénéficions tous de la richesse inestimable de ce territoire levantin, et il incombe à chacun de protéger cet héritage vital, pilier de notre conscience collective mondiale et élément constitutif de notre civilisation.

Pour préserver ce patrimoine pour les générations futures, il est crucial de confier cette tâche à des experts capables de le documenter de manière exhaustive. Dans cette optique, un groupe de spécialistes, mandatés par l’ancien Vice recteur de l'Université de Balamand le Prof. Georges Nahas, a minutieusement étudié l'inventaire du patrimoine du Monastère Patriarcal Notre-Dame de Balamand. Leur objectif était de sauvegarder ce patrimoine en tant qu’élément crucial de l'histoire chrétienne dans le Levant et comme témoignage vivant de la résilience des communautés locales sur leur terre ancestrale.

Tout ce que nous créons est intrinsèquement lié La premièreà ce qui l'a précédé, que ce soit en tant que réfutation, réaction ou complément. Ce livre, publié en 2018 en arabe, avait pour objectif d'enrichir les ouvrages et articles antérieurs sur le Monastère Patriarcal de Notre-Dame de Balamand. Il visait à compléter de manière exhaustive et approfondie les connaissances existantes grâce aux résultats des nouvelles recherches multidisciplinaires qui ont apporté un regard croisé et innovant sur ce patrimoine historique.

La première partie préfacée par Sa Béatitude Jean X Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient, détaille l'évolution de la recherche sur le monastère, entreprise par le Département d'Archéologie et de Muséologie (DAM) de l'Université de Balamand. Initiée en 2010 par l'auteure de ces lignes, fondatrice et ancienne directrice du DAM de 2010 à 2020, cette étude examine tous les aspects du monastère patriarcal de Balamand, en abordant de manière rigoureuse les données archéologiques, historiques et architecturales. L'auteure présente les diverses fouilles réalisées à l'intérieur et autour de l'église de Notre-Dame, ainsi que l'analyse des restes osseux effectuée par Joyce Nassar, celle des matériaux vitreux menée par Nada Kallas, en utilisant les plans et les façades établis par Raffi Gergian, en plus des observations sur le terrain de feu Anis Chaaya, basées sur les photographies d'archives de la Direction Générale des Antiquités (DGA). L'étude comprend également l'analyse des marques lapidaires et des cadrans solaires réalisée par Patricia Antaki, actuelle directrice du DAM, ainsi qu'une synthèse sur l'architecture cistercienne préparée par Hala Boustani. Enfin, elle inclut l'analyse des livres de compte et des archives du monastère, contribuant ainsi à l'étude des phases de son développement à l'époque orthodoxe.

La deuxième partie explore le patrimoine matériel mobile accumulé au fil des siècles, désigné à juste titre comme le « trésor du Monastère de Notre-Dame de Balamand ». Suite à l'inventaire réalisé en 2007, qui incluait les éléments architecturaux prospectés et mis au jour dans le cimetière environnant ainsi que ceux dispersés dans les différentes salles du monastère, il est apparu nécessaire de prendre toutes les mesures pour conserver et, si possible, restaurer ces trésors dans les meilleures conditions. L’évidence de compléter la liste du patrimoine mobile du monastère et de le conserver a également émergé, ce qui a conduit à sa compilation sur un CD à la conclusion de cet ouvrage. Cette section comprend également une analyse approfondie impliquant de nombreux chercheurs : Mahmoud Zibawi pour l'étude des icônes, Souad Slim pour les ornements sacerdotaux, Grace Homsi-Gottwalles pour les artefacts liturgiques, le Père Hareth Ibrahim pour les manuscrits, et une collaboration entre Fadia Salameh et Grace Homsi-Gottwalles pour les carreaux de céramique découverts dans un état déplorable lors des prospections du monastère et de ses environs.

Pour permettre une compréhension approfondie de l'importance et de l'évolution du monastère à travers les siècles, ainsi que du rôle unificateur qu'il a joué en tant que dépositaire et reflet de l'héritage imprégné de ce territoire, il est essentiel de présenter l'intégralité de sa collection de manière permanente au public. Ce livre a posé les bases et élaboré le plan pour la création d'un musée au sein du monastère patriarcal de Balamand, inauguré en 2023 grâce aux efforts de la nouvelle directrice du DAM, Patricia Antaki. Ce musée deviendra un pilier essentiel du patrimoine de l'Église orthodoxe antiochienne et du christianisme, bénéfique pour toute la région.

Le Monastère de Notre-Dame de Balamand attire quotidiennement une multitude de visiteurs aux motivations diverses. Touristes, chercheurs, étudiants en histoire de l'art, fidèles et curieux se croisent dans ce lieu chargé d'histoire. Ces rencontres, nourries par une riche tradition culturelle, contribuent à l'enrichissement tant matériel que spirituel du monastère.

Cependant, au-delà de l'animation extérieure, le monastère incarne un héritage immatériel d'une importance capitale. Fondé dans un dessein spirituel, il demeure un havre de paix et de prière pour les moines, mais aussi pour tous ceux en quête de sérénité. L'architecture simple et épurée caractéristique des cisterciens, et propre au monastère, lui confère une beauté intemporelle.

Cette beauté, héritée indéniablement, a été soigneusement préservée par les orthodoxes grâce à la vision clairvoyante de feu Sa Béatitude le patriarche Ignace IV. Malgré les réticences de sa propre communauté, il a sollicité l'intervention de la Direction Générale des Antiquités pour entreprendre les travaux de restauration durant son mandat à la tête du monastère. Sous la supervision de la Direction Générale des Antiquités, alors dirigée par feu Maurice Chehab et par la suite par l'architecte restaurateur Camille Asmar, le monastère a retrouvé son caractère unique en étant débarrassé des ajouts, un étage entier, qui dénaturaient sa beauté. Cette restauration a mis en valeur la simplicité et la richesse intrinsèque du monastère cistercien, le seul de son genre préservé au Liban.  C'est pourquoi nous avons choisi de mettre en lumière, de consolider et de léguer ce savoir-faire et savoir-être aux générations futures.

Puissions-nous en tirer des leçons et les perpétuer, dans l’espoir que les décideurs actuels feront preuve de clairvoyance, de conscience, de connaissance, de culture et de sagesse nécessaires pour préserver l'essence, les principes et les racines de notre patrimoine commun. Sans cela, l’humanité se réduirait à une coquille vide, dénuée d'âme.

Ouvrage rédigé sous la direction de Nadine Panayot, traduit du français par Catherine Srour-Kolundzic