Lecture 86 : Le capitalisme cannibale, la mise en pièces du corps, Fabrice Colomb
13/02/2025|Gisèle Kayata Eid
Le capitalisme cannibale, la mise en pièces du corps, Fabrice Colomb, L’échappée, 2023
Lecteurs douillets attention. C’est un livre qui cogne. Qui perturbe. Qui dérange. Publié dans la collection « Pour en finir avec » qui adopte dans tous ses titres une analyse radicale, comprendre qui « prend en compte toutes les dimensions du problème, économique, politique, psychologique et technologique » et dont la théorie est claire : « Le capitalisme ne peut être réduit à un système d’exploitation économique, il envahit toutes les sphères de notre existence » … jusqu’au corps humain.
Dans un pavé serré de 300 pages environ, c’est un vrai « manifeste », avec de nombreux exemples à l’appui, dans lequel l’auteur dénonce comment « plasma, cornées, tumeurs du foie, ovules, lait maternel, cellules, sperme... sont devenus en toute légalité des marchandises. Des échantillons biologiques qui s’échangent sur des marchés à l’échelle mondiale : les uns pour lutter contre le vieillissement ou des maladies chroniques, les autres pour combattre l’infertilité ou augmenter la masse musculaire… »
Au premier abord, on penserait que la démarche est bénéfique pour l’humanité, sauf que tout ce « stock » humain « aboutit à la création d’un grand bazar de pièces détachées disponibles pour la bioéconomie… transformé(e)s en ressource génératrice de croissance ».
Il se demande pourquoi par exemple « les maladies auto-immunes (qui touchent plus de 5 % de la population mondiale) mobilisent l’attention de l’industrie pharmaceutique, dont l’objectif est de proposer des traitements, notamment à base de médicaments dérivés du sang ». Il déplore à ce propos la focalisation quasi exclusive de l’industrie pharmaceutique sur les approches thérapeutiques entreprises, parce qu’elles sont justement sources de profit, sans s’interroger sur l’origine de ces pathologies dont les facteurs environnementaux, les polluants organiques, les champs » électromagnétiques, la consommation de gluten (suite aux modifications génétiques effectuées sur le blé lors de la « révolution verte » dans les années 1970) …
Allant du principe que le corps n’est pas une marchandise, démonstrations à l’appui, le sociologue, enseignant-chercheur d’université, détaille le business juteux de nos organes, l’exploitation du vivant, traite la bioéthique d’« activité de blanchiment » qui aboutit à un cannibalisme et le pire… en voie de banalisation.
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