« With you… » de Vanessa Gemayel : Peindre la musique, rêver Beyrouth
25/04/2025|Mathilde Lamy de la Chapelle
Dans l’immeuble rénové de l’ONG Rebirth Beirut, bâtisse traditionnelle en plein cœur de Gemmayzé, s’est tenu jeudi 24 avril le lancement de l’exposition « With you… » de Vanessa Gemayel en collaboration avec Aida Cherfan. En fond, la playlist de l’artiste – spécialement composée pour l’inauguration – dialogue avec les toiles, dans une euphorie des sons et des couleurs, contrastant avec la sobriété du lieu.
Dans cette nouvelle exposition – la septième en seulement une dizaine d’années – Gemayel peint Beyrouth et des paysages imaginaires inspirés du Liban – thème cher à l’artiste depuis ses débuts. Elle y transpose sa vision fantasmagorique de la ville, scintillante et chamarrée. Chez Vanessa Gemayel, peintre mais aussi DJ, musique et couleur sont inextricablement liées. Chaque morceau inspire une couche, de bleu, de rose, d’orange : l’ensemble forme un kaléidoscope, où les teintes se juxtaposent et se répondent. « Chaque couleur est une musique et la toile est un techno set, un tout qui fédère l’ensemble », raconte l’artiste. Parfois, le noir s’invite : un choix peu académique de couleur qui agit comme une respiration visuelle, fixe le regard et empêche qu’il ne se perde dans le foisonnement chromatique.
L’artiste joue des formes et des lignes. Elle se laisse emporter par le son, ce second peintre invisible qui rythme ses gestes, dicte ses doigts, s’empare de son pinceau. Les traits sont vifs, élancés, parfois naifs. Gemayel peint son propre univers. Sous son pinceau, les murs dansent, le soleil vibre, perçant le ciel comme un œil protecteur. Dans certaines toiles, l’artiste dissémine des éléments urbains, familiers, qui ramènent à la réalité. Souvent, l’on retrouve la présence de lampadaires d’où jaillissent des torrents de lumière, ces objets inspirés des œuvres de Magritte, qui confrontent le jour et la nuit. Dans les toiles de Gemayel, impossible de distinguer le moment de la journée : seule la forme de l’astre, en croissant de lune, permet parfois de nous en informer.
En tout, trente-six toiles sont ainsi exposées. Ensemble, elles répondent à sa précédente série « Autre monde ». Si, alors, l’artiste peignait la ville pour mieux s’en évader, elle opère ici un retour aux sources. Un retour néanmoins conflictuel. Dans l’ensemble de ses toiles, une route scinde le paysage, comme une invitation à la suivre, à fuir si la situation dégénérait, pour se réfugier dans les montagnes, encore enneigées, représentées au second plan. L’artiste se confie : ces routes sont aussi le symbole d’une quête plus intime. Celle de sa propre identité et, par elle, du lieu où l’on se sent pleinement chez soi, en sécurité.
Avec « With you… », l’artiste propose une errance dans une ville rêvée, fantasmée, parfois douloureuse – mais toujours vivante.
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