Hiba Tawaji galvanise Montréal lors d’une soirée inoubliable
24/05/2024|Gisèle Kayata Eid, Montréal
Alors qu’Oussama Rahbani, directeur artistique du spectacle, égrène quelques notes comme pour tester son piano, la voilà qui rentre sous une pluie d’applaudissements. Dans un fourreau noir fendu haut sur une jambe, serti d’une liane diamantée qui souligne sa taille élancée, la belle brunette aux cheveux longs prend possession de la scène et de la salle qu’elle gardera prisonnière pendant deux heures et demie. Elle promet à son public de chanter l’amour, l’exil, l’émigration, la nostalgie, la femme, le pays et la joie et même de danser.
Pari tenu. Sous les acclamations du parterre comble du Théâtre Maisonneuve de quelques 1500 places, après avoir entamé une chanson dédiée à son Watani à qui elle en consacrera plusieurs, elle enchaîne ses tubes, des adaptations de Dalida, un medley des airs populaires des Rahbani, chante en libanais, en égyptien, en français avec une égale et époustouflante maîtrise de la voix. Sans jamais fléchir ou prendre une pause, elle module ses cordes vocales selon le ton nostalgique, langoureux ou résolument révolutionnaire de ce qu’elle interprète. Un coffre puissant, une voix qui monte et maintient très haut la note, une sensibilité qui permute larmes et exaltation, nostalgie et vivacité, humour et tendresse, l’énergie à tout casser de Hiba Tawaji est contagieuse et lève la salle.
Rappelant le concert emballé deux soirs plus tôt à Toronto où elle a également fait un triomphe, elle taquine les Montréalais en les invitant à se laisser aller eux aussi, à se lever, à danser. Une aisance inégalable à communiquer avec son public et à se mouvoir sans répit. Elle ne s’arrêtera que quelques minutes pour l’entracte, après avoir salué la présence exceptionnelle au premier rang de celui qui lui a donné sa chance. A l’adresse de Luc Plamondon, le célèbre producteur parolier canadien, à qui l’on doit Starmania et Notre Dame de Paris, la belle Esmeralda aura des mots très touchants.
Généreuse, bougrement compétente et sympathique, en symbiose avec Oussama Rahbani au piano et en parfaite harmonie avec ses quatre choristes et ses sept musiciens (bien qu’ils soient Canadiens, sauf deux), Hiba Tawaji a offert un très grand moment de musique libanaise et beaucoup d’émotion à tous les présents, mais a aussi fait preuve incontestable d’énormément de talent et d’une grande maîtrise de son art, de quoi ravir tous les mélomanes confondus, prouvant encore une fois sa stature internationale et son professionnalisme assumé.
Faut croire qu’en amont, ce show spectaculaire a été concocté avec beaucoup de passion et d’amour par deux compagnies d’évènementiel. Tony Haswany, fondateur et président de EMM William Productions avait rêvé de cette représentation. C’est en hommage à son père William, très proche collaborateur des Frères Rahbani, et pour signer cette amitié transmise aux fils, que le promoteur a voulu associer les deux géants de la musique libanaise, Oussama et Hiba, pour mettre à l’honneur la culture et les talents libanais. Celui à qui l’on doit d’avoir amené au Liban une fourchette de vedettes et d’artistes (dont le Cirque du Soleil, Chakira, les Scorpions, Céline Dion à Dubai) organisait pour la première fois un spectacle au Canada (d’où il travaille, à l’international comme promoteur depuis 2003) et n’en cache pas la portée sentimentale. « La conjonction Oussama au piano et Hiba qui s’éclate sur les planches nous rappelle le Liban que nous connaissons et que nous aimons. Je voulais transmettre à la jeune génération libanaise en exil et aux Canadiens eux-mêmes la quintessence de notre art et savoir-faire. »
Une ambition que partage pleinement Ghada Khalifé, fondatrice et présidente de Innovent, connue pour organiser auprès du consulat, de l’ambassade, de la Chambre de commerce libano-canadienne et de toute la communauté libanaise en général, différentes sortes d’événements, galas, concerts, etc. Mettant à profit son expertise et son souci de montrer le meilleur visage du Liban, elle a coordonné toute la logistique derrière ce spectacle, ce qui n’est pas peu dire pour cet événement d’envergure. « La Place des Arts est très prisée, il faut prévoir des mois à l’avance la réservation d’une salle en fonction de la date qui convient. Puis, commence l’étape épineuse des visas des cinq personnes de la troupe qui doivent rentrer au Canada, cela peut prendre des semaines pour aboutir, des retards et même des refus pouvant surgir avec les formalités administratives et consulaires. Ensuite, il faut coordonner leurs billets d’avion chacun venant de quelque part pour se retrouver tous au même moment pour les répétitions. Sur place, il faut organiser leurs séjours, leurs déplacements, les assurances, toutes leurs demandes... Mettre au point les innombrables détails techniques de la salle de concert, prévoir ce dont les artistes ont besoin comme matériel ou sinon les faire réaliser et cela à la fois dans deux villes différentes : Montréal et Toronto. »
Devant et derrière le rideau, entre les fleurs et les bravos, une communion de talents, d’efforts, de professionnalisme, mais aussi beaucoup de cœur et de preuves de résistance.
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