Musique baroque italienne à Saint Maron
18/04/2024|Zeina Saleh Kayali
Sa foncière modestie dût-elle en souffrir, il convient de saluer le rôle primordial du violoniste Mario Rahi dans la vie musicale libanaise d’aujourd’hui, son énergie, son ouverture et son charisme. Tour à tour premier violon de l’Orchestre philharmonique du Liban, soliste, chambriste ou encore pédagogue, il est sur tous les fronts musicaux.
Et c’est avec deux complices italiens rencontrés à l’Académie Sainte Cécile de Rome qui, malgré les circonstances n’ont pas hésité à faire le déplacement jusqu’à nous, que s’est tenu ce concert dans le cadre de la 9e semaine de l’orgue, invitation à parcourir l’Italie baroque à l’écoute d'œuvres rares ou à la redécouverte de chefs-d'œuvre de toujours.
Après le mot de bienvenue du père Khalil Rahmé, initiateur de la semaine de l’orgue au Liban qui rappelle que l’église Saint Maron célèbre ses 150 ans, le concert s’ouvre avec Paolo De Matthaeis à l’orgue dans des extraits de la Messe à Notre Dame de Girolamo Frescobaldi (1583-1643). Ce compositeur italien dont la renommée de son vivant dépassa largement les frontières de la péninsule, donne une leçon de style et de goût, abolissant tout apparat extérieur dans une expressivité poignante et un style très personnel. L’interprète fait corps avec la syntaxe du maître italien. Il en assume la part de rigueur austère pour mieux souligner ses accès de fantaisie et ses lumineux emballements virtuoses.
Puis arrive Fabio Catania avec sa viole de gambe, instrument baroque par excellence, qui se situe entre l’alto et le violoncelle et que l’on entend très rarement (pour ne pas dire jamais) au Liban. Deux pièces de Diego Ortiz (1510-1576), l’un des premiers compositeurs à baser son œuvre sur des variations instrumentales. Le gambiste est remarquable, soutenant la ligne de chant dans un dialogue fervent avec l’organiste, engagé et présent, sans jamais être envahissant.
Enfin, Mario Rahi fait son entrée et le trio est alors au complet. D’emblée, il est parfaitement à l’aise dans ce répertoire. Ayant fait ses études de violon en Italie et interprété très souvent ce style de musique, il s’empare avec une virtuosité qui allie fermeté et sensibilité, de la Sonata da Chiesa d’Archangelo Corelli (1653-1713). Son archet, léger comme une plume, sa sonorité mordorée, séduisent par la fluidité de l’interprétation. Vient alors la Sonate n° 12 pour violon et continuo d’Antonio Vivaldi (1678-1741) et là le sens de la couleur du violoniste fait mouche dans la musique de celui que l’on appelait « le prêtre roux ». Le concert se termine en apothéose avec la Follia de Corelli, à l’origine danse portugaise dont le thème récurrent jusqu’à l’envoûtement, a été repris par de nombreux compositeurs.
Les trois musiciens trouvent ici un cadre idéal pour fraterniser musicalement et unir des jeux et des tempéraments bien affirmés. Dans ce partage musical, c’est aussi l’homogénéité et la profonde complicité musicale et amicale de ces trois excellents instrumentistes qui, de bout en bout, fait la richesse et l’humanité de leur propos.
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