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Samia Sandri pionnière de l’art lyrique au Liban

29/04/2025|Zeina Saleh Kayali

Alors que la cantatrice qui a incarné l’âge d’or musical au Liban vient de nous quitter, sa biographie paraît dans la collection Figures Musicales du Liban aux éditions Geuthner. Sylviane Moukheiber fille de Samia Sandri et auteure de l’ouvrage répond aux questions de l’Agenda culturel.


Comment vous est venue l’idée d’écrire la biographie de votre mère ?

J’avais des relations compliquées avec ma mère, mais une grande admiration pour l’artiste, la cantatrice. Lorsque vous m’avez proposé de collaborer à votre collection en écrivant un livre sur elle, j’ai d’abord été surprise. Puis en compulsant ses archives, les dossiers de presse, ses écrits, ses photos, les affiches et programmes de concerts, j’ai pris conscience du travail colossal de défrichage qu’elle avait réalisé et qu’elle avait incarné non seulement une certaine vie musicale libanaise des années 1950-1970 mais également toute une époque. Ces découvertes ont conforté et légitimé le projet d’une biographie.

 

Vous avez donc découvert son parcours qui vous a replongée dans ce qu’il est convenu d’appeler « l’âge d’or » du Liban ?

J’étais trop jeune à l’époque et je ne réalisais pas le rôle qui avait été le sien dans ce Liban bouillonnant artistiquement. Mais en découvrant les critiques musicales de la presse de ces années-là, écrites par des plumes aussi exigeantes que celles de Georges Baz ou Marc-Henri Mainguy, j’ai pris conscience que Samia Sandri était un talent exceptionnel et qu’elle avait de très grandes ambitions pour le Liban, comme par exemple de fonder une maison d’opéra. Elle n’a hélas pas été suivie dans ses projets, l’Etat libanais n’ayant pas jugé utile d’investir des fonds pour ce qui était considéré comme un divertissement élitiste.


Qui était vraiment Samia Sandri ?

Une chanteuse lyrique formée par les plus grands professeurs en Italie et en France. Une femme passionnée,persévérante et profondément engagée en faveur de la musique et du Liban. Une femme qui voulait initier ses compatriotes à cet art difficile et exigeant qu’est l’opéra, pas seulement en donnant des récitals elle-même, mais par une action pédagogique intense : des cours, des conférences mais aussi des émissions de radio et de télévision sur l’art lyrique à des heures de grande écoute, ce qui semble impensable aujourd’hui y compris en Occident. Elle a également fait traduire certains grands opéras du répertoire occidental en langue arabe pour pouvoir les mettre à la disposition du plus grand nombre.

Elle était également soucieuse du devenir des chanteurs lyriques libanais ?

Extrêmement et elle se désolait de constater qu’après leur formation lyrique, ils n’avaient aucun débouché au Liban. Ils étaient donc obligés soit de s’expatrier, soit de déprécier leur art en chantant dans des fêtes privées ou des lieux indignes de leur talent, ou alors carrément de se diriger vers une autre carrière.


L’autre facette de Samia Sandri c’est la scientifique qui se penche sur les mystères de la voix humaine ?

En effet, ce sujet a été pour elle une intarissable quête et une interrogation permanente. Elle a consacré un doctorat d’Etat sur la voix, crée la Thérapie vocale et rédigé plusieurs ouvrages dont je détaille le contenu dans la biographie. Ce fut un pan très important de sa vie professionnelle, un second souffle en quelque sorte, quoique moins connu du grand public.



La vie privée de Samia Sandri n’était pas de tout repos et, dans une société encore archaïque quant à la place des femmes, elle a « assuré » comme l’on dirait aujourd’hui ?

Absolument ! C’était une personnalité courageuse, indépendante, libre et qui s’est battue pour améliorer la considération à l’égard  des femmes. Elle a affronté le divorce et s’est faite respecter comme femme et comme artiste, ce qui dans la société libanaise des années 1960, n’était absolument pas facile ni admis.


Quelques années après sa séparation d’avec votre père elle rencontre celui qui allait devenir son second époux ?

Oui, le hautboïste Dominique Monnin qui vivait et travaillait alors au Liban. En 1972, il reçoit une offre professionnelle intéressante à Dijon dont il est originaire et nous partons tous pour la Bourgogne.  


Comment a-t-elle vécu cet exil ?

Assez mal car rapidement le Liban lui a manqué et elle y est retournée très régulièrement jusqu’en 2017. Bien sûr la guerre l’a fait énormément souffrir. Elle avait un lien puissant et charnel avec le Liban. Ce qui ne l’a absolument pas empêchée de se faire une réputation à Dijon. Comme interprète et pédagogue.


Quand vous lui avez demandé quelle était la meilleure partie de sa vie que vous a-t-elle répondu ?

Que c’était l’époque de son doctorat, car elle avait un sentiment de liberté. Elle se sentait libérée du carcan du monde lyrique qui est extrêmement strict et un peu écrasant. Un chanteur d’opéra doit chanter une œuvre précise, entouré d’un orchestre et sous la férule d’un chef. Sa marge de créativité est donc assez limitée. Alors que le travail sur la voix et la thérapie vocale était son domaine à elle et lui permettait d’évoluer selon ses propres recherches. On peut donc considérer qu’elle a eu deux vies bien délimitées : celle de l’interprète et celle de la spécialiste de la voix et de la thérapeute.


Cette femme, au destin hors norme nous a quittés à peine trois semaines après la sortie de l’ouvrage. L’a-t-elle vu ?

Oui bien sûr et elle en avait suivi l’évolution malgré la maladie. Peut-être a-t-elle attendu la parution pour s’en aller ? En tout cas il perpétue sa mémoire.


A savoir :

Sylviane Moukheiber dédicacera l’ouvrage le jeudi 8 mai de 18h à 20h à Beit Tabaris. Elle en fera une présentation à 18h30. Pour plus de renseignements samarbeittabaris@gmail.com



 

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