''La Musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée''. Platon
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Romeo Lahoud
22 novembre 2022, Roméo Lahoud décède. Une des dernières figures d’un Liban prospère et heureux tire sa révérence laissant, dans le cœur et l’esprit des gens qui l’ont connu, une mélancolie et la sensation d’un beau livre que l’on referme pour toujours.
Il est né le 22 janvier 1931 à Amchit au Liban. Ses parents Raphaël et Françoise Lahoud étaient férus de politique mais également d’art. Raphaël, d’abord député de Jbeil, fait carrière en politique en Argentine, Françoise reste au Liban et y élève ses enfants.
Personne n’aurait imaginé que le jeune Roméo, prédestiné et préparé à faire de la politique, deviendrait un jour l’artiste aux multiples casquettes qui enchanterait la scène libanaise pendant près de 40 ans.
Metteur en scène, auteur, compositeur et scénariste de comédies musicales, l’homme a sondé les entrailles de la scène et s’est imposé avec courage et passion, n’hésitant pas à prendre les risques qu’il jugeait nécessaires pour offrir au public un panel diversifié d’œuvres et de talents.
La politique ne le tente pas. Elève du peintre libanais, César Gemayel, il décide de poursuivre ses études de peinture à Paris et quitte la maison familiale à 21 ans. Dans la capitale française, il change d’avis et s’inscrit en architecture d’intérieur à l’école des Beaux-Arts. Il fait la connaissance, grâce à un ami, du premier machiniste aux Folies Bergères à Paris et de la vedette Yvonne Ménard. Celle-ci l’invite souvent à ses spectacles et Roméo développe un intérêt particulier pour la scène et ses décors.
Ses études d’architecture achevées, il s’embarque pour la Scala de Milan où il fait un stage en scénographie. Il épouse la française Liliane Poulain qui lui donne 2 filles, Dominique et Valérie. Roméo partage son temps entre Beyrouth et Paris avant de rentrer définitivement au Liban vers la fin des années 50.
En 1955, il débute une carrière d’imprésario et fait venir au Liban de grands artistes et formations internationales tels que Louis Armstrong, le Grand Ballet du Marquis de Cuevas, Sacha Distel. Ces spectacles sont donnés aux théâtres de l’Unesco et du Casino du Liban.
En 1963, sa sœur Aline Lahoud lui présente la présidente du comité du Festival de Baalbeck, Mme Salwa et Saïd. Il va s’en suivre une collaboration longue et fructueuse qui portera sur de nombreux spectacles. La comédie musicale « Al Shallal » (La cascade), avec Sabah en vedette, ouvre le bal en 1963. Roméo Lahoud a su convaincre l’artiste de rentrer d’Egypte au Liban et ils travailleront ensemble pendant 10 ans.
Les succès vont s’enchaîner. Le « Style Lahoud » est lancé. Il se caractérise par la mise en scène du patrimoine libanais dans des scénographies enchanteresses mêlant danse, musique et couleurs. Une forte collaboration familiale est mise à profit, les frères et sœurs unissant leurs talents respectifs dans une entreprise artistique innovante et dynamique :
Aline – journalisme et écriture
Papou - Stylisme, costumes. (Elle fondera une maison de couture renommée).
Nay – Chorégraphie et comédie
Nahi – production et technique
Roméo Lahoud sera critiqué pour ses spectacles. Certains jugeront que ce sont des défilés de mode et du folklore français. Il ne se laissera pas abattre pour autant et réplique : « Je veux présenter au public mes idées. La scène est un rêve. Il faut montrer les costumes et les décors ».
En 1965, Roméo Lahoud créé le premier théâtre musical permanent au Liban dans un local de l’hôtel Phœnicia. Trois comédies musicales y seront présentées :
Mawal en 1965 écrit par Aline Lahoud avec Nadia Gamal
Mijana en 1966 avec Sabah
Ataba en 1967 avec Joseph Azar
En perpétuelle quête de nouveauté, il sera à l’origine de 4 autres théâtres après le Phœnicia,
Le Martinez en 1969
L’Elysée en 1975
Le Roméo Lahoud en 1983
L’Athénée en 2004
Les artistes qu’il découvre : Samir Yazbeck, Joseph Azar, Issam Rajji, Melhem Barakat, Tony Hanna, feront partie du casting d’un grand nombre de ses spectacles.
La vie n’épargne pas l’homme. Il perd sa femme Liliane en 1967 et sa fille Dominique à 22 ans. Toutefois, les coups du sort et la guerre n’ont pas raison de sa créativité et de son amour du spectacle.
En 1969, il présente à l’Olympia de Paris, avec Sabah en vedette, « Les nuits libanaises ». Le succès est grand. C’est le premier artiste libanais et arabe à s’aventurer sur cette scène mythique. Puis ce sera le Palais Royal des Beaux-Arts à Bruxelles.
Roméo Lahoud épouse en secondes noces Alexandra Katrib dont la sœur, Salwa, deviendra la vedette de 15 de ses comédies musicales et, probablement, sa vedette préférée.
En 1997, il crée le Festival International de Byblos.
En 36 ans de carrière, Roméo Lahoud aura composé plus de 34 pièces de théâtre et 300 chansons dont une centaine deviendront des tubes. Parmi ses œuvres mémorables, on citera :
Les nuits libanaises avec Sabah au Festival de Baalbeck 1967
La Citadelle avec Sabah au Festival de Baalbeck 1968
Singof Singof avec Salwa Katrib au Théâtre Elysée en 1975
Bint el Jabal avec Salwa Katrib au Théâtre Elysée en 1977
Ismak bi Albi avec Salwa Katrib au Théâtre Elysée en 1978
Superstar avec Salwa Katrib au casino du Liban en1981
Yasmine avec Salwa Katrib au Festival de Byblos 1998
Il présente au Festival de Jerash en 1987 « Les nuits libanaises » avec Salwa Katrib.
Considéré comme étant l’artiste le plus complet du Moyen-Orient, il recevra de nombreux prix et décorations libanais et étrangers dont le prix du Faubourg pour la comédie musicale Mijana en 1966, Le Promotion et prestige à Genève en 1968, le prix d’Epinay sur Seine en 1969, le Murex d’or en 1998 et 2010, Commandeur de l’ordre du Cèdre en 2014.
Salwa Katrib décède en 2009 victime d’une hémorragie cérébrale. Roméo en sera profondément attristé. Il perdait à la fois une belle sœur qu’il affectionnait particulièrement et une artiste dont le talent l’avait inspiré et marqué.
Le destin va continuer à s’acharner sur Roméo Lahoud qui, au moment où il souhaitait mettre un frein à sa vie trépidante pour vivre calmement avec sa femme, perd cette dernière, malade, en 2010. Elle lui avait, cependant, fait promettre de continuer à travailler après elle et c’est en hommage à cette épouse qu’il aimait profondément qu’il présente au Casino du Liban en 2014 « Tariq el Chams », puis Caricature au Théâtre des Arts en 2016.
« Un pays qui n’a pas de patrimoine n’a pas d’avenir ». Cette citation de Roméo Lahoud illustre son profond attachement à son pays dans lequel il a puisé l’inspiration et le courage, un pays qu’il voulait Patrie.
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