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Musique de chez nous, mémoire de nos émois - 3

09/12/2024|Jocelyne Dagher Hayek

''La Musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée''. Platon


Pour apprécier et saisir la portée de cet article, il est fortement recommandé d'ouvrir les liens proposés.

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La mort véritable est dans l’oubli. Effacer la mémoire est le plus grand préjudice que l’on puisse porter à l’avenir. Sans histoire, nous sommes réduits à des électrons libres à la merci de forces contraires. Bâtir sur du vide n’est pas porteur par définition. Alors, malgré les guerres, l’oppression, les exodes, la politique de la terre brûlée, gardons au fond de notre cœur, dans les replis de nos souvenirs, des lieux, des images, des mélodies que personne ne peut atteindre et détruire, un ancrage fort, une source profonde et intarissable, d’où pourront rejaillir tous les possibles.


Revenons un peu en arrière pour voir le chemin parcouru.

C’est à Mikhaël Michaka, né à Rechmaya en 1800 et ayant vécu à Deir el Kamar, que nous devons la théorisation de la musique libanaise. D’origine grecque, médecin autodidacte, féru de culture et passionné de musique, il adresse à l’émir Bachir Chéhab, dont il était le trésorier personnel, en 1848, « Une lettre sur l’art musical » suggérant la division de l’octave en environ 24 intervalles égaux. Ce sera un élément fondateur dans un paysage musical totalement désorganisé et dépourvu de la moindre règle. Michaka ne manquera pas toutefois de déclarer que son professeur, Cheikh Mohamad El Attar, s’était déjà penché sur le sujet sans publier ses travaux.


Une autre figure marquante de la musique libanaise en cette fin du 19eme siècle est Wadia Sabra.  Né en 1876 à Aïn el-Jdeidé, à Bhamdoun, dans une famille protestante, elève de l’Université américaine de Beyrouth qui s’appelait alors Syrian Protestant College, puis du Conservatoire supérieur national de musique de Paris, Wadih Sabra est essentiellement connu pour être le compositeur de la musique de l’hymne national libanais sur un texte du poète Rachid Nakhlé en 1925. Mais c’est aussi à ce brillant musicien que nous devons la création du Conservatoire National Supérieur de musique au Liban en 1929. Il peut être considéré comme le fondateur du modernisme musical libanais avec, à son actif, des pièces pour instrument soliste, des compositions orchestrales, de la musique vocale, des opéras, malheureusement peu connus.

Fasciné par la musique européenne, il avait à cœur de faire évoluer la musique orientale vers l’acquisition d’une « norme universelle ». La musique orientale se devait de sortir de sa stagnation et de conquérir sa place dans « la musique universelle ». Pour cela, la doter d’un savoir scientifique basé sur les règles de la musique occidentale, considérée comme étant la référence, devenait primordial.

Fortement controversé par ceux qui voyaient dans sa démarche une occidentalisation de la musique orientale, opérant dans le contexte tendu du mandat français, son action refléta les conflits autour de la construction nationale du Liban et mit en exergue les multiples oppositions identitaires, politiques, sociales et confessionnelles qui prévalaient. Il parvint néanmoins à institutionnaliser l’enseignement de la musique. Il œuvra à libérer la musique orientale de l’influence égyptienne prédominant à cette époque et à pointer la spécificité libanaise. Il participa indirectement à la construction identitaire en formant une génération de musiciens « libanais » qui n’étaient plus considérés comme de simples artisans mais comme des professionnels plus respectés par la société et ayant même un devoir patriotique et nationaliste. Son travail contribua largement à fixer la mémoire en promulguant la notation musicale pour préserver la musique dite « orientale », « arabe », puis « libanaise », qui se transmettait jusqu’à lors, oralement.

L’œuvre remarquable de Wadia Sabra a été récemment exhumée de l’oubli par le baryton Fady Jeanbart qui s’attèle à republier ce travail mémorable avec l’aide du CPML (Centre du patrimoine musical libanais).

 

Avant de clore cette petite rétrospective et passer au 20eme siècle qui a vu la musique libanaise se développer et s’imposer en Orient et en Occident, nous allons parler des frères Fleifil.

Mohamad et Ahmad Fleifil sont les petits enfants de l’un des plus grands muezzins de son époque, le cheikh Dib Sabra. Leur mère, dotée d’une très belle voix et leur oncle, joueur de Oud, ont aussi probablement impacté la sensibilité musicale des deux enfants. Les fanfares musicales ottomanes passaient devant chez eux à Beyrouth. Fascinantes, elles font germer chez les deux garçons une passion pour la musique de « cérémonies ». En ce tout début du 20eme siècle, ce duo sera le fondateur et le précurseur de la musique militaire et patriotique dans la région.  On dira d’eux « Qu’ils ont simplement composé la bande sonore de la gloire du Liban ». En 1922, ils fondent leur première fanfare « Al Affrah al Wattaniah ». Nous leur devons des centaines d’hymnes patriotiques libanais ainsi que de nombreux hymnes nationaux dont le Syrien, l’Egyptien en vigueur de 1959 à 1979, le Yeménite en vigueur jusqu’en 1990 et l’Irakien Mawtini adopté en 2004. Parti du Liban, ce style de musique s’est largement développé dans les pays arabes grâce aux compositions de ces 2 frères. Jusqu’à ce jour, les marches composées par les frères Fleifel représentent une part importante du répertoire de l’armée libanaise.



Les institutions qui ont favorisé l’évolution et l’essor de la musique au Liban sont, à titre non exhaustif :

Le Conservatoire National Supérieur de musique fondé en 1929 par l’éminent Wadi’ Sabra qui décèdera dans la pauvreté en 1952.

L’USJ avec Bertrand Robillard. Ce jeune pianiste de 24 ans rencontre, sur un paquebot des Messageries Maritimes où il travaillait, un père jésuite qui le persuade de s’installer à Beyrouth pour y tenir l’orgue de l’USJ. Bertrand Robillard passera 35 ans de vie au Liban et sera le mentor de certaines de nos plus grandes figures musicales dont Zaki Nassif, Boghos Gélalian, Gabriel Yared et les frères Rahbani.


·         L’AUB

·         L’ALBA par l’intermédiaire de son fondateur Alexis Boutros

·         L’USEK


Et plus récemment, l’Université Notre Dame de Louaizé dont la chorale a atteint une grande notoriété musicale nationale et régionale, l’Université Antonine, et le Centre du Patrimoine Musical Libanais de Notre Dame de Jamhour (C.P.M.L – Espace Robert Matta).


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