''La Musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée''. Platon
La rédaction de ces divers articles sur la musique a été possible notamment grâce aux excellents ouvrages de Mme Zeina Saleh Kayali et Père Badih El Hajj que je remercie chaleureusement.
Pour apprécier et saisir la portée de cet article, il est fortement recommandé d'ouvrir les liens proposés.
La mort véritable est dans l’oubli. Effacer la mémoire est le plus grand préjudice que l’on puisse porter à l’avenir. Sans histoire, nous sommes réduits à des électrons libres à la merci de forces contraires. Bâtir sur du vide n’est pas porteur par définition. Alors, malgré les guerres, l’oppression, les exodes, la politique de la terre brûlée, gardons au fond de notre cœur, dans les replis de nos souvenirs, des lieux, des images, des mélodies que personne ne peut atteindre et détruire, un ancrage fort, une source profonde et intarissable, d’où pourront rejaillir tous les possibles.
La musique libanaise s’est brillamment exprimée dans tous les genres au fil du temps : musique sacrée, militaire, patriotique, classique, et le zajal, joutes poétiques inscrites depuis janvier 2015 au Patrimoine immatériel de l’Unesco. Elle est en majorité vocale et basée sur la poésie chantée.
Elle subit l’influence des cultures occidentales et orientales qui, mêlées aux traditions, aux croyances, à la culture, aux mœurs libanaises, aboutit à notre identité musicale propre.
Aux alentours de 1950, cette identité propre va se renforcer et se confirmer grâce au talent et au travail d’une génération de compositeurs avant-gardistes : Halim el Roumi, Zaki Nassif, Philémon Wehbé, Toufic el Bacha et les frères Assi et Mansour Rahbani. Les 5 derniers formeront le fameux groupe des cinq, pilier de l’élaboration de la musique classique libanaise à partir des données traditionnelles.
Radio Liban et le Festival de Baalbeck sont les pionniers dans la diffusion de la musique au Liban, qu’elle soit orientale ou occidentale. Ces deux institutions ont joué un rôle primordial dans la découverte des talents majeurs de la scène musicale libanaise.
Radio Liban
En 1938, sous mandat français, nait la radio libanaise sous le nom de Radio-Orient. En 1946, elle devient Radio–Liban et se dote, vers la fin des années 1940, d’un chœur et d’un orchestre. Halim el Roumi, auteur, compositeur, interprète remarquable en a été nommé directeur musical en 1950. Il le restera pendant 30 ans. Parmi les choristes, une voix se démarque par son timbre exceptionnel de soprano, celle d’une toute jeune fille du nom de Nouhad Haddad. Elle a intégré le chœur de la radio à la demande de Halim el Roumi qui l’a remarquée lors d’une fête à l’école. Il lui donne le nom de Fairuz en mémoire d’une chanteuse alépine décédée prématurément. En 1951, il la présente à Assi et Mansour Rahbani. Il va s’en suivre une collaboration riche et remarquable, le trio devenant l’emblème d’un Liban alors au faîte de sa splendeur.
D’autres grands musiciens libanais doivent leur notoriété à la radio libanaise. Parmi eux, Toufik El Bacha, Zaki Nassif, Philémon Wehbé, Abd el Ghani Chaaban, Sabah, Wadih el Safi et tant d’autres.
Radio-Liban a été un extraordinaire vivier artistique dans les années 1940-1950. La TV n’existait pas et les concerts étaient rares. C’est donc à la radio que se déroulaient la plupart des créations musicales.
C’est au couple Camille Chamoun et Zalfa Tabet Chamoun que nous devons la création du Festival International de Baalbeck, premier du genre au Moyen-Orient. Ces 2 mélomanes, amis des arts et de lettres, s’investiront à fond dans ce projet, dès le début des années 50, dans le but de faire rayonner le nom du Liban à l’international. Les ruines de Baalbeck, vestiges de la ville romaine antique d’Héliopolis, seront choisies pour écrin de ce festival culturel novateur qui dure jusqu’à nos jours malgré les interruptions plus ou moins longues dues à la situation chaotique et sensible de notre pays.
Des personnalités prestigieuses du paysage artistique et culturel du Liban contribueront à faire de ce festival un haut lieu de la création artistique mondiale. Citons à titre d’exemple madame Aimée Kettaneh, présidente du 1er comité du Festival de Baalbeck, madame Salwa Saïd, madame May Arida et, actuellement madame Nayla de Freige.
Initialement orienté vers la musique occidentale, le Festival de Baalbeck verra se succéder, dans ses ruines majestueuses, les plus grands noms de la musique, de la danse et du théâtre internationaux : Sviatoslav Richter, Herbert Von Karajan, Maurice Béjart, Ella Fitzgerald, Jean Pierre Rampal, les orchestres philarmoniques de Berlin, Prague, Moscou, Stuttgart, New York. La liste est longue et impressionnante. Le Festival de Baalbeck devient incontournable.
Toutefois, la musique orientale et le patrimoine libanais n’y avaient pas leur place. Certaines voix s’élèvent contre cette situation dont Saïd Freiha, fondateur du journal en langue arabe Al Sayyad.
En 1957, Zalfa Chamoun convoque les frères Rahbani et leur demande d’introduire le répertoire libanais dans la programmation du festival. Ainsi naissent les fameuses nuits libanaises qui lanceront un genre tout à fait nouveau sur la scène musicale, un théâtre chanté proche du style de l’opérette folklorique.
La première opérette composée et présentée par les frères Rahbani sera « Irs el Jabal » avec Fairuz. C’est dans le cadre de ce festival qu’ont été créées les œuvres majeures des frères Rahbani.
Le fameux groupe des 5 (libanais), les frères Rahbani, Toufic el Bacha, Zaki Nassif et Philémon Wehbé contribueront grandement au succès du Festival de Baalbeck qui verra se produire des œuvres de grands noms de la musique libanaise dont Roméo Lahoud avec Sabah en vedette.
Ce haut-lieu du patrimoine musical libanais devra toutefois interrompre ses activités en 1975 à cause de la guerre. Il reprendra en 1997.
Dans la foulée du Festival de Baalbeck, au milieu des ruines romaines de Deir el Qalaa à Beit Mery, un autre festival voit le jour en 1967 sous l’égide du président Charles el Hélou et le compositeur Wadih el Safi qui l’inaugurera avec un spectacle de chansons, de pièces instrumentales et de danses. En 1971, ce festival se mue en festival de Zajal (poésie populaire faite d’improvisation sur un rythme et un thème précis), tout en continuant de recevoir des artistes internationaux. La guerre de 1975 mettra fin aux représentations jusqu’aux années 2000.
Après la guerre, de nombreux festivals ont vu le jour sur tout le territoire libanais. Principalement actifs en été, ils proposent de la musique et des artistes occidentaux, orientaux, et locaux confirmés ou en début de carrière.
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