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Zeina Daccache, en roue libre

29/01/2025|Maya Trad

Est-il possible de penser que la prison libère et que la réalité enferme ? C’est la question que soulève la pièce de Zeina Daccache : « LI CHABAKANA YKHALLESNA » qui a contrario de ses autres pièces, se joue cette fois sur une vraie scène de théâtre et non pas à l’intérieur des prisons. On y suit le parcours de Joseph, un ancien détenu aujourd’hui en liberté mais que la réalité rattrape. Cette réalité, c’est celle de notre société d’aujourd’hui, avec ses crises et son chaos, et à laquelle Zeina Daccache, elle aussi sur scène dans son vrai personnage, a du mal à s’adapter. C’est le combat du quotidien. A leur côté, un jeune comédien de stand up, Sam Ghazal, vient couronner ce trio avec le regard innocent et décalé d’un jeune homme descendu tout droit de son village de Becharré avec son accent fort et ses histoires simples. 

 

Lui c’est Joseph, ancien détenu. Nous l’avions rencontré en 2009 à la prison de Roumieh avec 11 autres condamnés dans « Douze libanais en colère » adaptée du film de Sydney Lumet « Douze hommes en colère » et l’y avions laissé en 2016 dans « Jawhar up in the air ». Cette pièce de 2009 dont avait aussi été tiré un documentaire, avait été jouée devant des spectateurs entre les murs de la prison de Roumieh, tout comme le sera quelques années plus tard, en 2014, « le journal de Schehrazade » jouée par les prisonnières de Baabda, elle aussi à l’intérieur des murs de la prison. Ces expériences fortes à la fois pour les prisonniers et les spectateurs venus se plonger le temps d’une soirée dans ces lieux carcéraux, auront marqué le travail de Zeina Daccache.

 

Activiste dans les affaires sociales, elle a durant 13 ans travaillé auprès des détenus, des criminels, des délinquants, des malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques et des travailleuses domestiques, aux moyens de la thérapie par le théâtre, à laquelle elle s’est consacrée et en a fait sa raison d’être et son combat. Son ONG, Catharsis créée en 2007, continue à œuvrer dans cette direction. Un combat par le biais de l’Art capable de redonner une humanité et un sens à la vie aux personnes qui n’en n’ont plus.

Mais revenons à Joseph. Alors qu’il était condamné à perpétuité, on le retrouve 16 ans plus tard, en homme libre depuis 3 ans, gracié par une Loi engendrée par le travail activiste de Zeina Daccache, et qui permet la révision de l’enfermement à perpétuité pour bonne conduite. D’ailleurs chaque pièce de théâtre ou documentaire produit par Zeina Daccache a débouché sur une nouvelle loi, que ce soit pour les droits des prisonniers, contre les violences conjugales ou pour le meilleur traitement des prisonniers reconnus comme malades mentaux. Joseph est donc libre, mais toutefois...  Quelle est donc cette liberté quand à peine sorti de prison, il doit porter un masque, trouver une place de livreur alors qu’il peine à obtenir son permis de conduire une mobylette, chercher un travail et une dignité, alors qu’il est sans nationalité, et tenter de vivre dans une société où rien ne fonctionne et où les crises se sont succédé depuis sa sortie. Parce qu’entre entre le moment de sa libération et aujourd’hui, trois années sont passées, dans lesquelles le monde extérieur a basculé dans un chaos faisant de sa réinsertion dans la société libanaise un combat en quête de sens plus difficile que l’incarcération.

 

Comment se réinsérer à la vie normale ? Pour Zeina aussi, la question se pose. Parce qu’elle aussi a quitté la prison, mais c’est comme si elle se retrouvait enchainée aux affres du quotidien, celui du mariage, de la maternité, des fourneaux et de la gestion du quotidien … autant de sujets qu’elle aborde avec son attitude de la fille tout terrain qui préfère se battre dans la cour plutôt que de se ranger dans la vie. Tous deux confrontent leur nouvelle réalité et dialoguent dans un langage teinté d’humour et d’ironie. Elle pour qui la vie avait un sens en prison, se demande où est passé tout ce qui lui donnait une raison d’exister. Comme ont-ils évolué tous deux « durant ce temps » (Bi hal Fatra). C’est donc une sorte de mise au point sur ces cinq dernières années et leur absurdité. 20 petits tableaux de jeux de rôles et de situations à la fois nostalgiques, cruelles ou comiques que vient agrémenter et distancer le regard décalé de Sam Ghazal.

 

Une occasion aussi de revoir à la sortie de cette pièce les 3 documentaires tous salués par de nombreuses récompenses internationales, « Twelve angry lebanese» «Shehrazade diaries» et «Blue inmate» qui ont réussi à faire bouger les choses de manière significative, et dont le visionnage reste plus que jamais nécessaire. (Tous disponibles sur la plateforme www.dafilms.com )   


Pour en savoir plus, cliquez ici

 

 

 

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