À l’occasion des 50 ans du début de la Guerre civile libanaise (1975- 1990), « Entre Amnistie et Amnésie, où est passé le souvenir de la guerre civile ? » est une série d’articles publiée par l’Agenda Culturel. Cette tribune offre un espace d’expression pour partager des souvenirs, des ressentis, ainsi que des blessures et cicatrices (parfois encore douloureuses) laissées par la Guerre civile. Les questions s’adressent à toute personne souhaitant partager son témoignage et ses réflexions dans un esprit de dialogue et de sensibilisation, afin de contribuer à prévenir tout retour à la violence.
Témoignage de : Alexis Nasr, 56 ans, Professeur
En repensant à la Guerre civile, quels souvenirs ou récits marquants vous viennent à l'esprit ? Qu'ils aient été vécus directement ou transmis par la famille et les amis, comment ont-ils façonné votre identité ?
Je me souviens des crépitements des mitraillettes la nuit,
du bruit des bombardements qui se rapprochent et vous font sauter de votre lit,
de la musique de Vangelis utilisée pour les flashs à la radio et la liste des fronts actifs récités comme un mantra,
de la peur des francs-tireurs,
de la traversée du ring, la peur au ventre, dans la voiture de mon père à toute allure sous le soleil de plomb d’un Beyrouth complètement désert au mois d’aout,
de ma collection d’éclats d’obus ramassés dans la rue après les bombardements,
et tant de micro souvenirs qui constituent l’image intime que construit un enfant de la guerre
Je me suis souvent demandé si tout cela avait joué un rôle dans le façonnement de mon identité. Je suppose que c’est le cas. Mais l’absence d’un point de comparaison rend la réponse difficile. Peut-être un pessimisme latent.
La Guerre civile a-t-elle laissé des traces dans votre vie aujourd’hui ? Si oui, lesquelles ?
La guerre m’a fait quitter mon pays à 18 ans, en 1987. Je n’avais pas pris conscience alors que ce départ était définitif.
Dans vos moments de réflexion, comment exprimez-vous ou gérez-vous vos pensées et vos sentiments liés à la guerre ? Est-ce à travers des conversations, des œuvres artistiques, le silence ou d'autres moyens ?
J’en parle à ma femme et à mes enfants. Mais ce sont souvent des anecdotes. Au fond je trouve qu’il est difficile d’en tirer quelque chose d’intéressant (voir la réponse à la question 5). Peut-être que l’art est le moyen le plus adapté d’en parler. J’avais été très marqué par le travail de la fondation Atlas sur les souvenirs intimes de la guerre. Je pense que c’est ce que j’ai vu de plus touchant sur la guerre.
Les guerres de 2006 et 2024 ont-elles fait resurgir des moments, des réflexes ou des émotions de la Guerre civile ?
En 2006 et 2024 j’étais déjà bien établi en France. En 2006, mon fils aîné venait de naître, nous devions passer l’été au Liban, ce que nous n’avons pu faire. J’ai ressenti beaucoup de compassion pour la souffrance des gens, peut-être un peu de culpabilité. La violence de la guerre de 2024 m’a beaucoup marqué, j’ai compris que nous avions changé d’époque.
Quand vous racontez vos souvenirs de la guerre aux jeunes générations, quel(s) message(s) voulez-vous leur transmettre ?
Pour moi tout tient dans deux vers de Prévert :
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Photo : Insouciance– Beit Méry - 1974
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