À l’occasion des 50 ans du début de la Guerre civile libanaise (1975- 1990), « Entre Amnistie et Amnésie, où est passé le souvenir de la Guerre civile ? » est une série d’articles publiée par l’Agenda Culturel. Cette tribune offre un espace d’expression pour partager des souvenirs, des ressentis, ainsi que des blessures et cicatrices (parfois encore douloureuses) laissées par la Guerre civile. Les questions s’adressent à toute personne souhaitant partager son témoignage et ses réflexions dans un esprit de dialogue et de sensibilisation, afin de contribuer à prévenir tout retour à la violence.
Témoignage de Dima Habib Haddad, professeure d'Arts Graphiques.
En repensant à la Guerre civile, quels souvenirs ou récits marquants vous viennent à l'esprit ? Qu'ils aient été vécus directement ou transmis par la famille et les amis, comment ont-ils façonné votre identité ?
Le principal souvenir est celui de notre départ pour la France. Un départ en famille, certes, mais ce fut un arrachement douloureux de la terre natale. Il fallait se retirer des bras des êtres tant aimés ; grand-parents, cousins, oncles et tantes...Nous n'étions que des enfants et nous ne comprenions pas que ce départ allait durer le temps de la guerre du Liban, une guerre qui n'en finira pas.
Ce souvenir a façonné mon identité car il a engendré une femme forte qui a appris à s'adapter, à lutter, tout en jonglant avec sa double culture. Mais il a aussi dessiné une rêveuse, toujours à la recherche du pays aimé.
La Guerre civile a-t-elle laissé des traces dans votre vie aujourd’hui ? Si oui, lesquelles ?
Les traces sont celles de la désolation de voir mon peuple si courageux, si valeureux, se déchirer. Le jeu des politiques intérieures et extérieures avec la division du territoire et du pouvoir, a bien terni les relations entre les uns et les autres. Mais le miracle de ce pays, ce sont les universités, les théâtres, les salles de concert, les hôpitaux, les écoles, qui ne font pas de différence entre les citoyens et œuvrent toujours à dépasser la haine aveugle des jours passés.
Dans vos moments de réflexion, comment exprimez-vous ou gérez-vous vos pensées et vos sentiments liés à la guerre ? Est-ce à travers des conversations, des œuvres artistiques, le silence ou d'autres moyens ?
Chaque instant d'écriture, de poésie, de réflexion, de peinture, d'amour envers mon fils, me donne une paix intérieure que je tends comme un voilier majestueux contre les sentiments liés à la guerre.
Les guerres de 2006 et 2024 ont-elles fait resurgir des moments, des réflexes ou des émotions de la Guerre civile ?
Toutes les guerres sont aussi abominables les unes que les autres. Elles ont toutes un goût amer d'injustice, d'effroi, de souffrance extrême.
Mais ce qui me révolte le plus est que nos enfants vivent ce que nous avons déja vécu et eux portent des séquelles invisibles, mais bien présentes.
Nous devons aller chercher leur parole, les écouter et les aider à dépasser l'horreur.
Quand vous racontez vos souvenirs de la guerre aux jeunes générations, quel(s) message(s) voulez-vous leur transmettre ?
Je ne parle pas du tout de souvenirs de guerre aux plus jeunes. Ils ont besoin d'entrevoir un bel horizon pour façonner leur futur.
Ma philosophie de vie reste tout de même, celle d'une philanthrope, habité par l'espoir de jours meilleurs.
C'est à travers l'éducation donnée aux enfants, aux collégiens, lycéens et universitaires que l'on peut influer sur les esprits et leur inculquer les valeurs humaines de paix et de progrès.
Mais ceci doit être le devoir et le travail de tous.
Aujourd’hui, trente-cinq ans après la fin de la guerre civile et plus de cinq années de crises violentes et éprouvantes, comment envisagez-vous l’avenir du Liban ? Quel rôle pensez-vous pouvoir jouer pour construire cet avenir ?
En quelques mots, le Liban a toujours été convoité par maintes entités et sa valeur certaine fait aussi son malheur. Mais je crois en mon pays et continuerai toujours de croire en la force vive de ceux qui l'aiment malgré tout, qu'ils soient au Liban ou à l'étranger.
Nos aïeux ont cru en lui et en nous. À nous de croire encore et encore au Phénix, pour l'amour de nos enfants.
Chaque entreprise qui nait au Liban, chaque projet nouveau, chaque travail accompli, chaque jour vécu aux pays des Cèdres est une victoire contre l'oubli, contre la guerre !
Voudriez-vous ajouter quelque chose ?
Merci de questionner et de recueillir la parole.
L'écrivain Nabil Farès disait :"La parole est déja un acte.''
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