Du 1er au 31 août, Adel Karam et Georges Khabbaz feront vibrer les planches du Casino du Liban, dans la pièce composée par Georges Khabbaz et produite par Tarek Karam, Khiyal Sahra ("Fantoche"). Pour l’occasion, une conférence de presse s’est tenue à La Martingale, devant une pléthore de journalistes représentant différents médias libanais.
Pour Tarek Karam, Khiyal Sahra n’est pas simplement une pièce de théâtre, mais un projet qui concerne le Liban que nous aimons.
Le choix du théâtre du Casino du Liban n’est pas anodin. Sur ses planches se sont produits les plus grands spectacles dramatiques et musicaux. Par ailleurs, la direction du Casino a remis des trophées aux deux acteurs, Adel Karam et Georges Khabbaz, saluant ainsi leur remarquable parcours.
Si l’on traduit le titre de la pièce vers le français, on pourrait se demander si elle parle d’un état fantoche, celui du peuple libanais qui n’arrive pas à imposer sa volonté ou de l’État fantoche, véritable marionnette entre les mains d’une milice armée. Le mystère reste complet. Pour Tarek Karam, cette pièce devrait réserver pas mal de surprises qu’il ne faut point dévoiler, même implicitement et une chute qui aura l’effet d’une bombe. Il a salué la direction du Casino qui a respecté son désir, et celui de l’auteur, que les prix soient à la portée de tout le monde (entre 20 et 100$), Georges Khabbaz, qui a réalisé un chef-d’œuvre, les journalistes qui ont répondu à l’invitation, rendant hommage aux plus anciens et à son frère "de sang", Adel Karam, le phénomène.
Georges Khabbaz, quant à lui, a commencé son intervention par l’autodérision avec une boutade sur sa taille. "Si je me mets debout ou si je reste assis, c’est presque la même chose." À la question de savoir si la pièce qui montre deux personnages, un peu bizzares, se tenant côte à côte n’est pas inspirée du théâtre de l’absurde, notamment de Beckett et Ionesco, il a répliqué: "La pièce est probablement inspirée de mes lectures de Shakespeare, de Beckett, d’Ionesco, de Tchékhov, de Molière et même de Labiche. Dans cette même perspective, je reconnais également l’influence des dramaturges arabes."
Georges Khabbaz a commencé à écrire ce projet en 2020, en pleine pandémie de Covid-19. Cloîtré après la catastrophe sanitaire, la banqueroute financière et l’explosion quasi nucléaire qui a ravagé la capitale, il était seul avec son stylo et ses feuilles blanches, ne songeant ni à lui-même ni à Adel Karam. Une idée lui a traversé l’esprit: deux personnes totalement différentes se rencontrent dans un lieu et un temps précis et deviennent amies, malgré le fossé abyssal qui les sépare sur le plan socioculturel et religieux. Lorsqu’il a évoqué son projet devant Tarek Karam, ce dernier lui a proposé de le réaliser avec Adel Karam, ce qui a rempli Khabbaz d’enthousiasme. Bien que Adel ait marqué profondément le petit écran et le cinéma, Khabbaz estime qu’au théâtre, il peut aller beaucoup plus loin et révéler les innombrables facettes de son jeu dramatique.
Khabbaz a réécrit la pièce Khiyal Sahra pour l’adapter parfaitement au tandem de choc qu’il compose avec Adel Karam. Selon lui, les gens apprécient les œuvres théâtrales qui respectent leur intelligence et leur sens critique, sans pour autant les intimider par un style trop savant ou leur livrer une pièce qui les regarde de haut avec arrogance. Au Liban, il existe généralement deux sortes de théâtre: le théâtre commercial, bâti sur la grossièreté et l’obscénité et le théâtre élitiste qui effarouche les plus zélés. Le théâtre qui témoigne de la réalité vécue est rarissime. Khabbaz précise que ce qu’ils vont présenter dans cette pièce est le fruit de la lourde expérience vécue durant ces trois dernières années et équivaut à trente ans d’expérience et de maturité. Khiyal Sahra se situe à la frontière de tous les genres théâtraux et tous les registres sont exploités à bon escient. Il y a même une forme d’archivage exposée dans les différents écrans qui servent de toile de fond à la pièce et qui font dérouler l’histoire du Liban des années 70 jusqu’aux années 80, avec un saut dans le présent. Khabbaz souligne que l’histoire moderne du Liban n’a pas encore été écrite et que les médias, possédés par les seigneurs de la guerre, ont raconté les faits comme ils l’entendent, poussant leurs partisans à adhérer à leur version des événements.
L’un des moments forts de cette célébration a été l’intervention de Adel Karam. Il déclare avoir été immédiatement conquis par l’histoire lorsque Georges Khabbaz lui en a parlé et certain que c’était le personnage qu’il voulait incarner depuis longtemps au théâtre. C’est un rêve qui se réalise pour lui, d’autant plus qu’il est fier de travailler avec Georges Khabbaz, qui est un artiste touche-à-tout, ayant même composé les morceaux musicaux de la pièce, distribués par Lucas Sakr. Lorsqu’on lui fait remarquer qu’à chaque instant, il donne l’impression de pouvoir rire et faire rire le public ou pleurer et le faire pleurer, Adel Karam répond qu’il aime jouer tous les genres et qu’il se retrouve parfaitement dans la comédie comme dans le drame. Selon lui, un bon acteur doit pouvoir endosser tous les rôles qui lui sont confiés. Bien que les gens l’associent souvent à la comédie en raison de son parcours d’acteur, principalement axé sur les sketches au théâtre et à la télévision, son meilleur rôle, celui dans lequel il s’est complètement identifié, reste celui qu’il a incarné dans le film L’Insulte (nominé aux Oscars). Il a particulièrement apprécié les personnes avec lesquelles il a travaillé, l’ambiance de travail et les rencontres qu’il a pu faire. Ce rôle l’a marqué et a marqué son parcours professionnel. L’avenir nous dira si son rôle dans Khiyal Sahra marquera également le parcours théâtral de l’un des artistes les plus populaires du Liban.
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Par Carol Ziadé Ajami
Cet article a été originalement publié sur le site Ici Beyrouth
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